Francis Combes - La poésie ou la folie apprivoisée
- alain.charreyron
- 18 avr.
- 12 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 mai

Préambule
En préambule je précise que parlant ici de poésie, je n’entends m’intéresser qu’à une de ses dimensions : l’imagination poétique. Son imagerie, en quelque sorte, qui peut parfois être une « imagerie à résonance magnétique ».
(La poésie ne se résume bien sûr pas à cela. Il faudrait pouvoir parler de sa dimension musicale ou sonore. Mais elle a moins à voir avec le sujet. Encore que le rythme et l’aspect lancinant de certains vers, par exemple certaines anaphores, pourraient être considérés comme des survivances d’anciennes pratiques incantatoires, voire de transe… ce qui nous ramènerait à notre sujet).
Ma deuxième remarque préliminaire est plus qu’une précaution oratoire. Je tiens à préciser que je n’ai aucune compétence dans le domaine dit des maladies mentales (ni même plus généralement de la psychologie). Même si, malheureusement, une expérience récente, dans mon environnement le plus proche, me fait découvrir ce qu’elles peuvent entraîner de souffrance.
Poésie et folie, une histoire ancienne
On peut dire de la poésie qu’elle entretient depuis toujours un rapport intime avec la folie.
Dans l’Antiquité, les propos proprement sibyllins de la Pythie de Delphes, que devaient interpréter les prêtres d’Apollon, en est l’exemple emblématique. Certains chercheurs affirment aujourd’hui qu’elle parlait sous l’emprise de gaz neuro-toxiques, notamment l’éthylène qui s’échappait paraît-il de failles dans le sol sous le temple. Quoiqu’il en soit les phrases mystérieuses et incohérentes des Pythies
(car elles étaient plusieurs à accomplir cet office une fois par an) frappaient les imaginations.
Au-delà de cet exemple extrême, pour les anciens Grecs, étaient vraiment poètes non seulement ceux qui possédaient l’art du vers, mais ceux qui faisaient montre d’inspiration, d’enthousiasme disaient-ils. Etymologiquement le mot vient d’« en theos ». Qui porte en lui un dieu.
Le poète est un inspiré, possédé par la parole des dieux. Il ne s’appartient pas totalement.
De même, les Latins distinguaient le Poeta du Vates, le poète-mage. Cette idée de la poésie a été réactivée par le Romantisme.
Avec Hugo, le poète est à la fois « poeta », chanteur, tribun et mage, « vates ».
Les Contemplations sont les « mémoires d’une âme », comme il l’écrit, mais se veulent aussi le livre de tous. Il parle au nom de Dieu, du Progrès et du futur de l’Humanité
On peut considérer qu’il subsiste quelque chose de cette idée du poète-mage dans les conceptions des Surréalistes qui, aux dieux et aux Muses, ont substitué l’Inconscient.
L’approche est rationnelle, voire matérialiste, mais demeure cette idée que la poésie, en son essence, est une parole inconsciente, involontaire, qui échappe à la raison et la déborde.
Après l’inconscient, on est passé au Langage. Pour certains, le poète est parlé plus qu’il ne parle. C’est la langue qui parle à travers lui.
Je crois pouvoir affirmer que cette idée est toujours dominante, aujourd’hui en France. La poésie, ce serait les mots en liberté…
Comme si l’inconscient était le territoire de la liberté.
D’où une certaine défaveur qui persiste envers les époques (et pas seulement le XVIIIe siècle) et les auteurs qui ont mis la raison au premier plan, cherchant à écrire une poésie intelligible et communicable.
Poésie et déraison
En vérité, cette idée n’est pas propre à la poésie européenne, et occidentale.
Ainsi, chez les poètes d’Orient, existe aussi l’idée que la poésie a à voir avec cet état a-normal (au sens de contraire à la vie ordinaire) qu’est l’extase. Chez les mystiques, bien sûr, mais aussi dans toute la tradition bachique des poètes chantant le vin et l’ivresse qui fait dérailler la raison.
C’est vrai par exemple du Chinois Li Bai, de la dynastie T’ang, inspiré par le taoïsme, pour qui le monde est un songe, et qui aimait à boire dans sa barque au clair de lune.
C’est aussi vrai d’Omar Khayyam, le Persan du 11ème siècle, grand mathématicien, philosophe, savant et penseur hétérodoxe. Il chante dans ses quatrains les « filles de la vigne » qu’il préfère aux houris du paradis.
Et lui qui était un scientifique et un esprit rationaliste, écrivait : « Dis aux sages, que pour les amoureux, l’extase est le guide, et que ce n’est pas la pensée qui montre le chemin ».
On a un peu vite fait d’en faire un mystique soufi, ce qu’il n’était apparemment pas. Il chante en fait le caractère éphémère de l’existence, une forme de sagesse épicurienne qui invite à vider la coupe de la vie avant de se retrouver poussière. Cette même poussière dont on pourra faire plus tard des cruches.

Au XIXe siècle, Baudelaire écrira, dans ses Petits poèmes en prose : « Il faut être toujours ivre. Tout est là : c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez vous. »
La liste serait longue à citer de ceux qui ont suivi ce précepte, pas toujours sagement.
De Verlaine, grand amateur d’absinthe, aux poètes américains de la Beat Génération, qui, préféraient les drogues et la méditation bouddhiste. Comme Allen Ginsberg, Jack Kerouac ou Gregory Corso dont les poèmes énigmatiques et forts semblent manifester un état proche de ce qu’on appelle la folie.
Plus généralement, et de façon nettement atténuée, même chez les poètes les plus raisonnables, la poésie est ce qui, tout en étant mêlé au réel, rompt le cycle répétitif du quotidien, introduit de la surprise, de l’émerveillement, de l’inouï dans la vie de tous les jours. Elle est ainsi perçue comme une sorte d’épiphanie, de miracle, pour utiliser un vocabulaire peu matérialiste.
Quelle qu’en soit la forme, on peut dire que la poésie procède d’un usage inhabituel du langage. Qui se distingue du langage commun. A travers le langage, chaque poète est censé manifester un imaginaire singulier, qui peut surprendre le commun des mortels.
Cette dimension de la surprise est particulièrement importante dans la poésie moderne, celle qui s’affirme au XXe siècle.
Ainsi la poésie a-t-elle pu être perçue comme une parole déviante, un écart plus ou moins délibéré à la norme, norme du langage, de la sensibilité voire du comportement social.
Plus encore, tout poète, dans l’expérience de l’écriture, fait l’expérience d’une forme de dépossession de soi, par laquelle il sort de lui-même pour créer un objet qui lui devient étranger, et qui, paradoxalement lui permet de s’affirmer vraiment lui-même.
La poésie serait ainsi une manière d’aliénation positive.
Le cas Rimbaud
Sur les voies qui éclairent le lien intime que la poésie peut entretenir avec la folie, nous rencontrons évidemment Arthur Rimbaud.
Contemporain du Parnasse, tout jeune, il aurait aimé être publié par eux. Mais ils l’ont tenu à l’écart. Et il n’a pas tardé à développer une idée de la poésie en rupture avec leur conception, celle de l’art pour l’art. Conception essentiellement esthétique, qui fut celle de ces poètes post-romantiques, comme Théophile Gautier, et qu’a partagée Baudelaire pour qui le but de l’art est l’art.
Pour Rimbaud, la poésie est bien plus que ça. Elle est une aventure vitale, une expérience existentielle.
La lettre dite du Voyant, à Paul Demeny, éclaire son idée :
« Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant. Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrances, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. »
J’attire votre attention sur l’adjectif utilisé par Rimbaud, le dérèglement raisonné de tous les sens… Le dérèglement de tous les sens est une action délibérée et qui relève de l’auto-analyse psychologique dans laquelle le poète devient son propre cobaye.
Cela nous indique déjà une différence majeure avec la folie ordinaire. Là, nous sommes en présence d’une folie volontairement provoquée et dans une certaine mesure controlée.
Par cette aventure poétique et humaine qui va jusqu’à côtoyer la folie, Rimbaud anticipe ce qu’allait être le surréalisme au début du siècle suivant.
Ce qui distingue Rimbaud et qui a autorisé à parler à son propos de génie, c’est la rapidité de son parcours, la fulgurance de son intelligence poétique. En très peu de temps, quelques années, il fait le tour de la poésie de son temps et d’une certaine manière, du temps qui suivra. Puis il en reviendra… Quand à son retour du Harrar, hospitalisé à Marseille, on l’interroge sur ses poèmes il réplique que cela ne l’intéresse plus.
Mais il le dit déjà dans certains textes majeurs qu’il nous a laissés.
Ainsi, dans La Saison en enfer, publié à compte d’auteur grâce à l’aide de sa mère, il écrit :
« La vieillerie poétique avait une bonne part dans mon alchimie du verbe ;
Je m’habituai à l’hallucination simple : je voyais très franchement une mosquée à la place d’une usine, une école de tambours faite par des anges, des calèches sur les routes du ciel, un salon au fond d’un lac; les monstres, les mystères, un titre de vaudeville dressaient des épouvantes devant moi.
Puis j’expliquai mes sophismes magiques avec l’hallucination des mots !
Je finis par trouver sacré le désordre de mon esprit.
(…)
(Pour ma part, je pense qu’il fait directement allusion à l’écriture de certains textes des Illuminations, sans doute antérieurs à La Saison.)
Puis il conclut :
« Cela est passé. Je sais aujourd’hui saluer la beauté. »
Et aussi :
« Esclaves ne maudissons pas la vie. »
Ou encore « Il faut être résolument moderne.
Point de cantiques : tenir le pas gagné. »
Car le Rimbaud, précurseur dans l’exploration de l’inconscient individuel, était aussi un homme de son époque, marqué par l’essor de l’esprit scientifique, par le rêve des colonies, et, contradictoirement, par celui de la révolution. On sait qu’il a pris part à la Commune et qu’il en partageait l’idéal.
Son mot d’ordre « changer la vie », peut ainsi être lu du point de vue individuel comme du point de vue collectif.
Même si Rimbaud brille d’une lumière particulière du fait de sa trajectoire de météore, on pourrait faire la même observation pour d’autres poètes.
Isidore Ducasse dit Lautréamont, a connu une évolution semblable, si on compare les Chants de Maldoror à l’imagination sombre et folle et Les Poésies, très rationnelles où il affirme que la poésie doit être faite par tous et doit avoir pour but la vérité pratique, formules que reprendra plus tard à son compte Paul Eluard.
L’évolution de la plupart des Surréalistes témoigne de la même aventure : l’exploration de la psyché individuelle au risque de perdre le contact, la capacité de communiquer avec les autres, puis, sous l’effet des menaces du fascisme et de la guerre, le retour sur le sol du réel social et collectif. Avec l’engagement dans la Résistance et la lutte pour la paix après guerre.
Tout en gardant en général la marque de ce voyage intérieur.
La poésie comme folie apprivoisée
Ce que nous disent ces aventures poétiques, c’est que la folie fait partie des aptitudes humaines.
L’homo sapiens, comme l’écrit Edgar Morin, est en même temps un homo demens.
(Et de nombreux exemples dans l’actualité sont là pour nous le rappeler).
L’être humain, qui est doué de raison, est aussi doué de déraison. Il possède une faculté, peut-être unique dans le règne animal, de réflexion et d’imagination. Sa pensée, qui naît du contact avec le réel, a la capacité de s’en croire détachée, de s’en évader et même, comme on dit familièrement de « battre la campagne ».
Pour reprendre l’expression heureuse de la romancière et poète canadienne Nancy Huston, l’homme (et la femme) appartiennent à une « espèce fabulatrice ».
L’être humain ne peut pas vivre son séjour sur terre, sans se raconter des histoires, sans s’inventer des mythes, des religions, des idéologies, faites évidemment d’erreurs et d’illusions mais aussi d’espérance.
Cette faculté spécifique à l’espèce humaine peut être (et est souvent) sa malédiction, mais c’est aussi sa chance. C’est en elle que réside sa liberté, sa capacité à se libérer imaginairement et pratiquement de la fatalité.
Cette faculté peut entraîner une vraie souffrance quand elle perd pied avec le réel, mais c’est aussi elle qui rend possibles l’art et la poésie.
Essayant de parler des rapports entre poésie et folie je ne peux évidemment pas écarter les cas de poètes qui ont effectivement souffert de troubles mentaux et se sont trouvés par là placés à la jonction de la poésie et de la folie.
Hölderlin, vivant reclus pendant trente-six ans dans une tour à Tübingen et qui écrit dans cette période de sa vie des poèmes assez étonnants de simplicité voire de platitude ;
Germain Nouveau, le poète amoureux des Valentines, devenu mystique qui s’est laissé mourir de faim dans un pigeonnier de Pourrières,
Gérard Labrunie, dit Nerval... Il souffrait d’obsessions et d’hallucinations pendant lesquelles il avait l’impression que la moindre parole dite en sa présence le visait et recélait un message secret, ésotérique, en rapport avec l’histoire de l’humanité et l’ordre du cosmos. Il est mort, pendu à une grille d’égout rue de la Vieille Lanterne près du Châtelet. Il a été soigné par le docteur Esprit Blanche qui l’encourageait à écrire à des fins cathartiques. Outre ses poèmes parfaits et des nouvelles où le réel et le rêve se mêlent, on lui doit des formules comme « je suis l’autre », écrit au bas d’un portrait de lui, probablement dans un moment de crise.
Ce qui fait bien sûr penser à « Je est un autre », de Rimbaud.

Mais dans un autre moment, car il avait de grands moments de lucidité, en préface à ses poèmes, il écrit « la vie d’un poète est la vie de tous ». Il a aussi inventé le mot « supernaturalisme », qui anticipe le surréalisme.
Il faudrait aussi parler d’Antonin Artaud, bien sûr. Par-delà la valeur proprement poétique de ses textes qui l’apparente au surréalisme, je suis frappé par la précision et la lucidité, avec laquelle il décrit les maux dont il souffre dans ses textes en prose ou ses lettres à Jacques Rivière.
Outre ces cas célèbres pour la poésie française, on pourrait citer d’autres poètes, comme le Russe Vladimir Maïakovski ou le Hongrois Attila Jozsef, qui ont souffert de mélancolie, d’enthousiasme et de dépression, - ont été « cyclothymiques » ou « bipolaires » comme on dit maintenant car il faut toujours mettre des mots sur les maux - et que cette instabilité caractérielle les a poussés au suicide.
On peut quand même observer que sauf rare exception, ce n’est pas dans les périodes de crise que ces poètes ont produit leur œuvre. Mais au contraire, dans leurs moments de grande lucidité.
C’est qu’il y a, à mon sens, trois traits essentiels par lesquels l’imagination poétique se distingue de la folie. Et même s’y oppose.
1 – le premier, c’est l’éveil de la conscience.
En règle général le poète n’est pas le jouet de ses imaginations. Il n’est pas la dupe de ses visions. Il ne confond pas le réel et le rêve. Robert Desnos, prenant ses distances avec l’expérience surréaliste, écrit : « une place pour les rêves, mais les rêves à leur place ».
Même si l’apparition des images poétiques peut-être en grande partie spontanée, involontaire (provoquée par les Muses, l’inconscient ou les automatismes du langage), ils les accueillent et en font un usage « raisonné », comme dirait Rimbaud.
Le poète, en artisan des mots, choisit les images qu’il retient. Celles qui lui paraissent porteuses de sens, de beauté et de force.
2 – le deuxième trait, c’est la vérité de l’image poétique.
Le fait que les poètes ne soient pas dupes de leurs images ne veut pas dire qu’ils n’y croient pas, qu’ils ne croient pas à leur vérité.
Quand Eluard écrit « La Terre est bleue comme une orange », il ajoute immédiatement ce vers : « Jamais une erreur les mots ne mentent pas ».
Il y a une une vérité, une justesse de l’image poétique quand elle s’impose et qu’elle est comme il le disait lui-même « évidente »
D’où l’idée, et parfois la prétention, d’utiliser la poésie comme moyen d’accès à la connaissance. Avec l’apparition, en France notamment, au XXe siècle, de ce qu’Alain Badiou appelle les « poètes-philosophes ».
Le rapport que la poésie entretient avec la connaissance est multiple. On peut relire à ce propos le discours de Saint-John Perse lors de l’attribution du Nobel. Si la poésie peut être source de certaines connaissances, elle se nourrit aussi des connaissances de son temps. Le temps scientifique que nous vivons est à cet égard un immense réservoir à étonnement et à merveilleux.
De mon point de vue, la vérité de l’image, parfois la plus folle, ne relève pas, sauf exception, du fait qu’elle nous apporterait une connaissance plus grande du monde objectif, mais du fait qu’elle formule avec force la vérité d’une expérience subjective. Et elle est par là incontestable.
3 – le troisième trait par lequel l’imaginaire poétique, même le plus fou, se distingue de la folie, c’est qu’il est ordonné par un désir de nature esthétique. Il remet le monde en ordre selon cette loi toujours à réinventer du désir. Même si ce n’est pas son intention délibérée, il produit une forme de beauté, et donc de plaisir et de joie.

Fondamentalement, le délire poétique est heureux. Même quand il conduit à écrire des poèmes tristes. Ceux-ci conservent du bonheur une certaine capacité de consolation.
On pourrait faire le même constat pour d’autres artistes, comme les musiciens. Même dans la composition de symphonies tragiques entre une grande part de jubilation que l’orchestre peut ensuite communiquer à l’auditeur.
Ainsi, pourrait-on dire que la poésie est une forme de folie douce et heureuse. Une façon d’essayer d’apprivoiser notre aptitude intime et collective à la folie.
Elle est donc souhaitable et nécessaire. Je ne sais pas si elle peut sauver le monde, mais elle peut y contribuer ; elle fait ou elle peut faire du bien.
Pour finir, et insister sur l’alliance originale de raison et de déraison dont la poésie est le nom, je voudrais invoquer trois poètes.
Deux étrangers et un Français.
Le grand poète hongrois du XXe siècle, Attila Jozsef, déjà cité, intellectuel marxiste passionné de psychanalyse, introducteur de Reich en Hongrie, lui-même atteint de troubles sérieux et qui a fini par se tuer en se couchant sur des rails.
Il écrit que lorsqu’il se met à sa table pour écrire un poème, il sait qu’il va devoir faire tenir ensemble des éléments contraires de la réalité. Le poème est ainsi défini de façon très dialectique comme « unité des contraires ».
Le poème peut en effet être un lieu où se conjugue et se féconde ce qui est si souvent divisé et opposé dans la vie quotidienne : la logique et le sentiment, le rêve et la réalité, la raison et la déraison.
Ensuite, le chilien Vicente Huidobro, auteur du Manifeste du Créationnisme. Lui, définissait la poésie comme un « délire super-conscient ». Définition que je reprendrais volontiers à mon compte.
Enfin, le poète français Robert Desnos, mort en déportation au camp de Terezin. Il fut l’un des plus doués du groupe surréaliste, capable comme personne d’allier le langage populaire le plus familier et la plus haute imagination poétique.
Dans un bref texte écrit en janvier 1944, à Paris, peu de temps avant son arrestation, il dit :
« La poésie peut être ceci ou cela. Elle ne doit pas forcément être ceci ou cela… sauf délirante et lucide. »
Et cela dit bien sa double nature, contradictoire.
La poésie, comme l’être humain, est par nature sujette à des « poussées contraires » !
Pour moi, la poésie est une forme de conscience sensible. Et je formulerai l’hypothèse que dans le monde passablement fou qui est le nôtre nous avons grand besoin d’une poésie de la lucidité.
Francis Combes
16/04/2025
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