« Psychologie des masses et analyse du moi »
©Georges Braque
Dans un premier temps, j’ai fait un relevé du contenu du livre pour ensuite le mettre parallèle avec ce que j’observe dans mon environnement social.
Dès le début du livre, Freud écrit que l’humain est un être social, fait de ses interactions avec le cercle familial, puis le cercle social. Ces relations aux autres sont sujets d’analyse et participent à la psychanalyse. La psychologie des masses s’interroge sur l’essence d’une masse et les causes des différences de comportements entre un homme seul et un homme en foule. Ce livre tend à résoudre l’énigme de la masse, comprendre comment l’être l’humain se mue à la foule.
Freud s’appuie sur le travail de deux auteurs, Gustave Le Bon, anthropologue, psychologue, sociologue, physicien, Français (1841-1931) et Mc Dougall, psychologue, professeur d'université, Anglais (1871-1938). Du travail de Le Bon et de Mc Dougall, Freud met en évidence différentes descriptions pour présenter la masse : disparition de la personnalité individuelle consciente, l’orientation des pensées et sentiments dans la même direction, prédominance de l’affectivité et de l’animique inconscient, tendance à l’exécution non différée d’intentions émergentes.
Le Bon et Mc Dougall mettent en avant le principe de contagion et la capacité à s’influencer mutuellement. La suggestion s’accroît du fait d’être exercée par le meneur et par chaque individu sur chaque individu en suggestion réciproque. La similarité de la réaction de l’individu avec celle de tous les autres, pour ainsi dire sa réduction au rang d’individu de la masse permet d’expliquer le manque d’autonomie et d’initiative de l’individu. Le sentiment social repose sur la nature d’une identification, d’une commune liaison à un objet ou une personne située hors de la masse.
Freud souligne la volonté de la masse à être dominée et reprend l’expression de Le Bon, la « soif de soumission ».
Cette régression est particulièrement visible au sein de masses ordinaires tandis qu’elle peut être empêchée dans les masses hautement organisées, artificielles avec pour exemple l’Eglise et l’Armée. Une différenciation est faite entre la masse spontanée et la masse organisée.
Freud tend à comprendre et expliquer la transformation animique de l’individu dans la masse par l’affect, le concept de Libido. L’ensemble des religions se tournent vers l’amour dit universel, par exemple, il cite l’Apôtre Paul dans l’épître aux Corinthiens qui glorifie l’Amour par dessus toute chose. La masse est manifestement maintenue en cohésion, mais par quelle puissance si ce n’est l’amour qui maintient toute cohésion dans le monde?
Le concept de Libido utilisé dans l’étude des psychonévroses est mis en parallèle. Libido est une expression provenant de la doctrine de l’affectivité. L’amour nomme l’amour entre les sexes avec pour but l’union sexuée, l’amour de soi, l’amour pour les parents, l’enfant, l’amitié, l’amour pour les hommes en général, le dévouement à des objets concrets et à des idées abstraites.
La névrose est également prise en compte par Freud puisqu’elle survient partout ou la progression des pulsions directes ou inhibées quant au but n’est pas complètement réussie.
Elle englobe toutes les relations possibles entre moi et objet, entre le moi et l’idéal du moi.
L’identification connue de la psychanalyse comme la manifestation la plus précoce d’une liaison de sentiment à une autre personne, joue un rôle dans le processus du complexe d’Oedipe. Simultanément, l’enfant montre deux liaisons psychologiques distinctes : envers le parent du sexe opposé, un investissement d’objet tout unimement sexuel, ce que l’enfant voudrait avoir, envers le parent du même sexe, une identification à un modèle ce que l’enfant voudrait être. L’identification donne au moi propre une forme similaire à celle du moi pris comme modèle.
Dans le cadre amoureux il existe le phénomène de surestimation sexuelle et toutes les propriétés sont estimées davantage que celles de personnes non aimées. L’idéalisation fausse le jugement. On observe également que l’objet sert à remplacer un idéal du moi propre, non atteint. Ces perfections auxquelles on a aspiré pour le moi, se retrouve dans l’être aimé.
Par ce détour, le narcissisme est satisfait et l’objet se met à la place de l’idéal du moi.
En opposition au désir purement sensuel, c’est à l’apport des pulsions de tendresse, inhibées quant au but, que l’on peut mesurer le niveau de l’état amoureux. Dans l’amour exalté, le moi devient de plus en plus modeste et l’objet de plus en plus grandiose, précieux. L’objet a pour ainsi dire consommé le moi ce qui rapproche l’état amoureux de l’hypnose.
On retrouve la même soumission humble, docilité, absence critique envers l’hypnotiseur qu’envers l’objet aimé. L’hypnose par la surpuissance d’un individu sur un autre peut expliquer la constitution libidinale d’une masse qui a un meneur. La masse primaire considérée comme certain nombre d’individus qui placent en un meneur leur idéal du moi et s’identifient les uns avec les autres dans ce moi.
Ce livre interroge sur l’identité individuelle et l’identité de la masse au regard de la suggestion, de la dépendance affective et matérielle à notre environnement et de la régression intellectuelle de l’individu dans la masse. A la lecture de ce livre il y a certains points que je ne saisi pas pleinement et qui me semblent presque paradoxaux:
D’un coté, Freud explique que le sentiment isolé et l’acte intellectuel personnel de l’individu semblent trop faibles pour se faire valoir seuls et doivent attendre d’être fortifiés par une répétition similaire de la part des autres, et d’un autre coté, que chaque individu se retrouve dominé par une âme de masse. J’ose à penser que l’on peut parler d’être conforté plutôt que dominé.
Si chaque individu, chaque acte individuel personnel, chaque expérience ou ressenti intime se voit confortés et non dominés par l’effet de masse, on peut parler d’une validation d’être et faire au regard de la masse ce qui nous semble juste à l’état individuel.
Avec par ailleurs, le principe de contagion qui domine pour d’autres situations.
De fait, au regard de ces contemporains, Freud montre qu’il est difficile de définir l’âme de la masse car chaque individu fait parti de nombreuses masses, est lié à de nombreuses identifications et identifie son idéal du moi selon divers modèles, race, classe, communauté de croyance, appartenance à un État et il peut en plus de cela s’élever jusqu'à une parcelle d’autonomie.
Pour comprendre la transformation animique de l’individu dans la masse, Freud analyse l’âme de la masse et l’âme inconsciente de l’individu au sein de la masse. De ce que je comprends, il semble que le mot « âme » soit assimilée à l’inconscient chez l’individu alors que pour la masse ce soit une âme collective tout aussi inconsciente. En tant que croyante ces définitions sont compliquées à assimiler car elles occultent la spiritualité empirique et imposent le principe de mirage. Ces expériences de la foi, de l’amour universel, vécues individuellement se partagent et les individus forment la masse de croyants tournée vers un même objet, Le Christ. Je dis que je ne crois pas en Dieu, je vis Dieu…
Freud, Le Bon, Mc Dougall posent comme essentiel le meneur dans la création de la masse. Au regard de mes contemporains il semble que l’idéal actuel n’est pas humain, n’est pas un meneur mais un objet, la planète, le bien commun.
Depuis 30/40/50ans, des individus ressentent, voient, vivent la pollution comme un problème à titre personnel, de manière isolée. Perçus par la société comme une sorte d’hippie, décalés, en marge, ces individus sont à présents suivis par la masse. Par le principe de contagion, on parle d’éveil des consciences avec la volonté de créer un changement dans le mental de chacun et in fine, de la masse. Changement de mode de consommation, la marchandise étant un point central. Consommer moins, consommer mieux. Dans un mouvement spontané qui s’est organisé via des Amap, coopératives, médias indépendants. L’idéal du moi projeté étant ici, le bien commun.
Dans ce cas, il semble qu’il y ait plusieurs meneurs qui agissent par contagion.
Me revient également que les gilets jaunes ne souhaitaient pas de meneur, de représentant.
Peut-on penser qu’ils souhaitaient s’affirmer en tant qu’individu au sein de la masse?
Le transfert social de Hervé Hubert propose l’étude du processus psychique de l’homme par rapport à son environnement social et de s’interroger : Qu’est-ce que nous pratiquons socialement? Quels sont les effets dans le mental? Vivre dans une société capitaliste est notre quotidien avec des différences de conditions sociales et d’aliénation sociales selon les individus.
Le terme transfert social définit un principe naturel de l’individu à son environnement. Consciemment ou inconsciemment, un nouage se fait dans toute relation avec un transfert de valeurs de l’objet dans le mental.
L’analyse utilise le transfert qui existe dans toutes relations, le transfert social analyse le rapport entre les humains, les communications, les liens, les nouages pour aider les patients. Différents principes de transfert sont possibles (Translation - déplacement - transport - glisser - différer ) et l’objectif en les faisant apparaître est que ces transferts ne soient plus des obstacles mais des moteurs. Le dénouage, avec un effondrement possible, rend un retour de jouissance possible et ainsi, pouvoir faire.
A la lecture du livre et au regard de la formation APPS, l’éducation de chaque individu me paraît encore plus cruciale. Nourrir intellectuellement l’individu pour une meilleure autonomie et initiative de chacun et ainsi, permettre d’élever le niveau intellectuel de la masse.
Au chapitre III, « Autres appréciations de la vie d’âme collective », il est souligné qu’en matière de rendement intellectuel, il n’en demeure pas moins que les grandes décisions du travail de pensée, les découvertes et solutions de problèmes, lourdes de conséquences, ne sont possibles qu’à l’individu qui travaille dans la solitude. »
Ici, il est supposé que seul l’individu, dégagé de la masse, peut réfléchir, raisonner. En tant qu’intellectuels, les différents auteurs semblent se placer à l’extérieur de la masse et la considèrent soumise et grégaire. Ce principe me semble condescendant vis à vis de la masse, en effet tout individu est fait d’interactions sociales et il me semble que l’humanité même est une masse.
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