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Mythes et contradictions, Une lecture de La philosophie et les mythes, de Georges Politzer.




L'œuvre regroupe des textes de Politzer publiés entre 1924 et 1941, ils permettent de suivre le cheminement de sa pensée, sur les pas de Marx. Jeune professeur de philosophie, Politzer critique ce qu’il nomme la mythologie, qui place la philosophie au service de la théologie. Démontrant qu'un matérialisme dialectique, tel que proposé par Marx, est le seul permettant à la philosophie de nourrir les sciences sociales, il s’appuiera sur les exemples de l’histoire pour illustrer ce propos. Ainsi il dénonce le totalitarisme nazi mais également l’absurdité du système capitaliste et les révolutions bourgeoises. Après la démobilisation, Politzer choisit la clandestinité. Il cesse son activité de professeur de philosophie pour se consacrer à son travail de militant du parti communiste français.


Politzer écrit l’article Le tricentenaire du Discours de la méthode,  paru en 1937 dans La Correspondance internationale, puis dans la revue La pensée. Les articles sont ensuite regroupés après la mort de Politzer pour créer ce livre. Malgré sa critique de la philosophie, d’une certaine philosophie, son engagement est quand même “celui d’un philosophe qui lutte contre l'irrationalité” (Bruyeron, 2002). Dans ses écrits clandestins de 1941 et 1942, qui se trouvent dans ce livre ainsi que le texte sur Freud en 1939 il combat contre les forces qu’il nomme réactionnaires. La critique de la psychanalyse s’articule autour du fait qu’elle ne prend pas en compte le milieu social dans la formation du nœud familial, explique Bruyeron (2002) en citant Politzer et Wallon.


Ce qu’on appelle à l’APPS le nouage est la place du social dans le nouage familial. Politzer regrette l’absence de fécondité thérapeutique, ainsi que la critique majeure faite à Freud “ dérive biologisante”, éloignée de son inspiration première, car Freud aurait selon Politzer été matérialiste, mais d’un point de vue mécaniste ou énergétiste ( Politzer, 1965). La psychologie concrète est en rapport avec le matérialisme historique, ainsi il présente une critique du freudo-marxisme, critique de l'idéologie psychanalytique comme “ mythologie”. Freud est défini comme penseur bourgeois et reproche de s’en rapprocher, en s'éloignant de penseurs prolétaires que sont Marx et Lénine.


Dans ce groupement de texte, Politzer présente une critique de cette mythologie et propose de voir philosophie se nourrir du progrès de la science, elle a doit être attentive à ses avancées, y compris dans le domaine qui est nouveau pour l'époque des sciences sociales. Les philosophes doivent être “ amis de la vérité et ennemis des dieux”. 


Dans le texte concernant le tricentenaire du discours de la méthode, il insiste sur l’importance de la méthode scientifique, nie la méthode d’autorité qu’est la scolastique, et proclame les droits à l’esprit critique et la raison. Descartes reste dans le mécanisme, mais dépasse la matérialisme mécanique, quand Politzer explique le matérialisme historique : “L'œuvre de Marx et Engels, de Lénine, de Staline ont créé et développé cette science sociale vraie qu'est la condition de l’action sociale efficace, fait passer le socialisme de l' utopie à la science, et du rêve dans la réalité”.


Dans La philosophie et les mythes, Politzer présente une critique de cette mythologie et propose de voir la philosophie se nourrir du progrès de la science, elle doit être attentive à ses avancées, y compris dans le domaine qui est nouveau pour l'époque des sciences sociales. Les philosophes doivent être “amis de la vérité et ennemis des dieux”.

Politzer illustre les contradictions sociales par divers exemples concrets et historiques. Il montre la contradiction que présente le système fasciste, avec l’idéologie raciste qu’il promeut. En effet le racisme prétend servir une cause nationaliste, mais se base sur un mythe biologique, et réfute en réalité l’idée de nation. Le pangermanisme, idée métaphysique est dénoncée comme idée purement mystique de l’ancienne âme germanique. Le racisme se réfère à la biologie, mais à une fabulation biologique. Hitler a exploité le sentiment national du peuple allemand, alors même qu’il ne correspond pas aux critères biologiques du racisme qu’il promeut. Le racisme oppose la notion de race à celle de nation en effaçant la réalité historique qui fonde les nations, niant ce qui fait sens dans la construction du peuple en tant que groupe. S’inspirant grandement des travaux de Maurice Thorez, Politzer explique qu’une nation civilisée se rapporte à la conscience d’une histoire, et non de la zoologie.

Par ailleurs, la notion de race dans l’idéologie fasciste vient remplacer la notion de classe, et en cela participe à l’aliénation du peuple.


La thèse de l’éternité de l’Allemagne est présentée comme anhistorique, le racisme est construit autour d’une fabulation historique, les mythes “donnant des ‘images fausses des temps primitifs’ [...] et qui sont redevenus dangereusement actuels avec le mythe hitlérien de la race pure originelle, où la lutte des races est substituée à la lutte des classes. ” (Bruyeron 2002), Politzer montre que les antiracistes peuvent se laisser tromper par les références à la biologie, cherchant une différence entre l’idéologie allemande d’avant guerre et le racisme, considérant le pangermanisme comme politique alors que le racisme serait biologique. Mais la réalité du nazisme est que l’idéologie raciste n’est pas fondée par la biologie. Le nazisme prétend regrouper des personnes de même “race”, et de même sang, l’état raciste s’oppose à un état national, construit sur une histoire commune.


La race est un mythe, et le fait de substituer un principe racial à un principe national. Dans l’expression d’un racisme identitaire actuel on peut reprendre cette notion de mythe, qui nie la réalité historique d’une nation, d’un pays construit par et composé d'individus différents, des principes sociaux et lois qu’elles soient définies par la bourgeoisie au pouvoir, ou arrachées par les luttes populaires. Le nationalisme d'extrême droite qui aujourd’hui encore nie le peuple, est basé sur ce mensonge, et à la réalité d’un système  classiste qui opprime et discrimine des catégories d’individus, il tente de substituer une catégorisation basée sur l'idéologie raciste.


Le fascisme, dit Politzer, ne veut pas de “nations-garanties de libertés, de communautés d’hommes formées historiquement”, ces communautés formées notamment par le système de classe, et la conscience de classe, et les luttes qu’elles ont menées, ce qui donne un caractère très actuel à l’analyse de Politzer. Citant Thorez, il définit que l’obscurantisme cherche à rayer des mémoires “ la période historique du développement solidaire des nations”, il montre le caractère antinational du racisme, alors que “la conscience nationale est la conscience d’une nation dont l’histoire “diffère essentiellement de la zoologie”. Le mythe raciste cherche à détruire “le fait historique et social de la nation”. Il citera aussi Renan, sur le fait que les privilégiés font passer “l'intérêt de classe avant l'intérêt national” ainsi il en va de l'idéologie de la bourgeoisie, qui remplace un système féodal par un autre système d'oppression (la révolution française) : Thorez citant Jaurès dit  “un peu d’internationalisme éloigne de la patrie, beaucoup d’internationalisme ramène à la patrie”.



Dans la critique de la religion, Politzer citant Marx rappelle que le dogme impose au peuple une vie précaire, postulant qu’il existerait le paradis. Il se réfère à des écrits, et non au concret, aux réalités historiques et sociales que les écrits présentés comme saints effacent, et c’est ainsi qu’il explique la féodalité, par la royauté de droit dit divin. La philosophie, si elle est au service de la théologie, prétend aussi présenter des écrits anciens, “comme des notions transcendantales de vérité”.


Par le formalisme stérile de la scolastique, la philosophie devient servante de la religion. Ainsi il critique également le fatalisme, citant les travaux de Diderot, et les matérialistes du 18ème siècle, qui présentent seulement le moyen-âge comme ayant été une grande nuit, il reste métaphysique et garde l'idée que l’homme agit d'après l’idée. Il nourrira ainsi le règne idéalisé de la bourgeoisie. Pour Politzer, le seul matérialisme, et la philosophie qui est au service de l’humain est le matérialisme dialectique, “science sociale vraie qu'est la condition de l’action sociale efficace, fait passer le socialisme de l'utopie à la science, et du rêve dans la réalité”. L’église expliquait “ la nature et la société par Dieu”, Politzer dénonce le matérialisme vulgaire et un certain positivisme, qui  dénoncent la crédulité humaine, alors que le matérialisme historique montre “les sources profanes et matérielles de la religion et les conséquences pratiques qu’il faut en  tirer”.


Le matérialisme dialectique est héritier du matérialisme du 18ème siècle. Marx et Engels considèrent Descartes comme un penseur avancé et dialectique. L’utilisation de la science et scolastique comme vérité qui se rapporte à des écrits, est la même mythologie, et c’est ainsi la critique qu’il fera à la psychologie, notamment dans d’autres ouvrages comme Les critiques des fondements de la psychologie.


Ainsi en conclusion, on peut considérer cette critique est d’une certaine actualité et s’articule dans les travaux de l’apps, avec notre remise en question a la fois de la psychanalyse classique et du schéma NPP, mais aussi de l’approche médicalisante de la psychiatrie à travers le DSM, qui renvoie à la toute puissance de lobby pharmaceutique. En considérant qu’à l’APPS on replace la question de la souffrance dans le transfert social, 

on est dans la question de l’action sociale et du matérialisme tel que le considère Politzer.


Luka Mongelli



Illustration :  Francis Bacon


Bibliographie complémentaire : 

BRUYERON Roger, « Combattre en philosophe : les écrits clandestins de Georges Politzer. (1939-1942) », Revue philosophique de la France et de l'étranger, 2002/3 (Tome 127), p. 303-314. DOI : 10.3917/rphi.023.0303. URL : https://www.cairn.info/revue-philosophique-2002-3-page-303.htm


BRUYERON Roger, “Les trois vies de Georges Politzer”, La Revue du projet, n° 34, février 2014. URL : http://projet.pcf.fr/50796

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