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LES FORMES VALEURS DES IDENTITES



Je remercie vivement les organisateurs de ce colloque « L’Afrique et ses diasporas : vers le dépassement »  qui se déroule à l’initiative de Mission Cinéma Caraïbe.


Je propose pour ce colloque une réflexion sur les identités, et plus particulièrement les formes valeurs des identités, qui est issue de mon travail sur les différentes formes de transidentités, travail entamé il y 25 ans, et qui a bénéficié d’une collaboration de travail avec le Cenesex dirigé par Mariela Castro à La Havane. entre 2010 et 2015.

L’identité est une question fondamentale à traiter pour l’être humain et s’associe le plus souvent à la question «  Qui suis-je ? ». Les réponses philosophiques métaphysiques ont fait foison mais la récolte pratique de ces savoirs philosophiques peut paraître maigre du fait même que l’identité est généralement comprise comme isolée, sans connexion dialectique avec le social. Dans ce contexte d’unicité en référence, un développement des théories sur l’identité peut se révéler dangereuse. Edouard Glissant souligne dans son oeuvre le danger de l’identité-racine, de l’identité comme racine unique et le noue au meurtre. Il développe  pour contrer la dimension de l’unique, les concepts d’identité-relation et d’identité-rhizome.


Dans le cadre des travaux de notre association scientifique « Analyse Pratique Psycho-Sociale », nous travaillons à partir d’une base proche, considérant l’être humain comme un être psycho-social qui est constamment pris dans des rapports sociaux, des rapports d’échange, et que ces points en font son essence. Nous avons ainsi développé l’outil de transfert social, de transfert de valeurs, mettant en avant ce qui se transfère entre les humains comme valeurs portées parfois à leur insu tant dans l’individuel que dans le collectif. Ce transfert indique un déplacement, un mouvement de valeurs qui sont prises dans des poussées contradictoires : poussées d’un côté, poussées du côté opposé. Et c’est ce point que je voudrais partager avec vous pour un travail sur les identités aujourd’hui quelqu’elles  soient pour dépasser les oppositions d’identité, les murs identitaires et les ségrégations identitaires.


C’est ce que nous avons appris du phénomène humain transidentitaire en le croisant avec l’apport de l’outil Marx. Pour résumer la problématique, la transidentité est le phénomène extraordinaire dans lequel un humain né anatomiquement homme, se sent femme, et va, par transition médicale, devenir un humain femme pour elle-même et pour les autres, ou bien l’inverse : une femme va devenir un homme. Si nous partons de la « valeur de genre, » un être humain portant au départ la valeur de genre homme, et ayant une identité de genre homme, va évoluer à un moment donné de sa vie, le plus souvent au moment de la puberté, et va porter une valeur de genre femme, et avoir une identité de genre femme. Dans cette dynamique de passage d’une identité à l’autre, l’important est qu’un éveil va se produire dans la perception identitaire de la personne sous forme de survenue d’un hiatus : il y a un un décalage, une coupure, un manque de continuité ou une contradiction qui touche son identité première. Cela peut concerner un mot, une image ou un ressenti corporel. Un mot masculin va heurter ou plus simplement faire question, l’image masculine sous forme d’un détail va produire aussi un effet étrange, de même pour le ressenti. Ce dysfonctionnement de formes valeurs va donner lieu à une poussée contraire, la mise en forme d’une valeur de genre féminine, là aussi sous forme soit de mot, soit d’image ou de corps. Peu à peu des formes valeurs de genre vont construire une identité de genre par ces connexions entre les mots, les images et les ressentis corporels. Du fait de l’histoire de la personne, des impératifs sociaux et des moqueries sociales un jeu contradictoire de poussées contraires va se mettre en place, et dans cette confrontation identitaire personnelle  la valeur de genre masculine va cesser de fonctionner, mourrir et donner lieu à un passage identitaire crucial vers la valeur de genre féminine. 

Dans ce jeu des contraires qui aboutit à la mort, au meurtre du fonctionnement d’une valeur, l’échange social prédomine. Souvent les obstacles résident dans la valeur d’échange fondée sur le lien maternel  et quitter la valeur du « beau petit garçon » pour sa maman en est un exemple. C’est souvent dans l’échange avec des tiers que cette séparation identitaire peut survenir. C’est par exemple la confrontation de la valeur féminine de son enfant avec le jugement de valeur de ses autres enfants à l’égard de cette valeur de genre féminine que la mère peut se séparer d’un rapport de valeur ancien et soutenir la transition de son enfant. Cela veut donc dire qu’une forme valeur d’identité ne fonctionne pas toute seule mais dans un jeu dialectique avec une autre forme valeur d’identité. Une forme valeur fonctionne par rapport à une autre forme valeur, la forme valeur d’un mot fonctionne par rapport à un autre mot, la forme valeur d’une image fonctionne par rapport à une autre image, la forme valeur d’un ressenti corporel fonctionne par rapport à un autre ressenti corporel. Ainsi l’identité d’une personne peut être définie comme un nouage, une connexion entre un mot, une image, une sensation de corps, et c’est avec ce fonctionnement qu’elle rentre en échange avec une autre identité. Ce jeu d’échanges de valeurs portant identité nous enseigne également sur la fonction du masque identitaire. Dans cette problématique de transidentité homme vers femme, le masque est d’abord de forme féminine. L’identité de genre masculine prévaut au départ de la transition et le masque est donc féminin se présentant sous forme de maquillage, d’habit féminin et peut être ôté tant que l’identité de genre féminine n’est pas solide dans le social. Par la suite au moment de l’affirmation de cette identité sociale, le masque devient masculin et peut être ôté : c’est le moment où la personne peut quitter son pénis et faire transition chirurgicale, la mise en évidence de son plus de valeur lié à l’identité féminine étant accomplie. De même que pour l’identité où la valeur qui circule et fonctionne peut être la couleur de peau, la question du masque renvoie aussi à ce que décrit Frants Fanon dans son ouvrage « Peau noire, masques blancs »L’identité de genre transidentitaire est paradigmatique dans son fonctionnement des diverses identités humaines. Ce qui a été décrit comme franchissement transformateur entre deux identités contraires relève d’une logique qui peut aider à travailler et changer les logiques qui font les murs identitaires. contemporains. Cette logique est celle des contradictions humaines vivantes qu’un travail minutieux  peut mettre en évidence pour chaque problématique spécifique. Pour bien saisir la portée des formes valeurs nous nous sommes servis comme je le disais  au début de mon exposé de l’outil Marx notamment du Capital, où Marx déploie dans la première section du Livre I à travers sa théorie de la valeur, une véritable théorie de la civilisation d’aujourd’hui : les valeurs qui sont produites et fonctionnement dans les sociétés capitalistes et dictent les rapports sociaux. Je me suis simplement saisi d’une note de bas de page de son ouvrage majeur où il fait le lien entre les valeurs des marchandises et le fonctionnement humain : « A certains égards, il en va de l’homme comme de la marchandise. Comme il ne vient pas au monde muni d’un miroir, ni de la formule du Moi fichtéen, l’homme se regarde d’abord dans le miroir d’un autre homme. c’est seulement par sa relation à l’homme Paul son semblable que l’homme Pierre se réfère à lui même en tant qu’homme » ( Le Capital, Livre I, p. 60). Belle citation à mettre en débat avec la conceptualisation d’Edouard Glissant sur l’identité-relation. 


Docteur Hervé Hubert



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