Critique de la religion psychanalytique classique : critique de l’inconscient
©Magritte
La psychanalyse sociale part d’une autre base que la psychanalyse classique à partir de sa nomination même : psychanalyse certes… Mais sociale. Il est évident qu’il peut naître des ambiguïtés à partir du terme « psychanalyse » tant il évoque une base freudienne. Ces contradictions nourrissent notre pratique et notre théorie à condition de les clarifier, les analyser, ce qui se fait en partie avec cette série d’articles sur la critique de la religion psychanalytique classique. Avoir choisi ce mot « psychanalyse » fait signe pour moi de deux concepts : le transfert et l’inconscient. J’ai dans ce blog insisté en décembre dernier sur le transfert avec l’article « Le primat du transfert ». Quid de l’inconscient ? Dans la psychanalyse classique l’inconscient est mis en avant régulièrement, au contraire de ce que nous défendons à l’APPS. Il en est de même au niveau de la signification courante, populaire, quant à la signification de nos actions, de nos dires, de notre histoire. Tel acte manqué, tel lapsus de la vie quotidienne, tel mot d’esprit, pour reprendre le trio freudien voudrait dire quelque chose de « notre » inconscient… J’insiste sur ce terme si souvent utilisé « c’est l’inconscient ! », la belle affaire qui peut permettre d’occulter la responsabilité effective dans le social tout comme la religion . Ce terme d’inconscient dans son rapport avec la psyché n’est pas né avec Freud mais ce dernier l’a promu jusqu’à cette popularisation d’une interprétation fautive du ressenti de l’intime ou de ce qui échappe à la personne dans sa vie sociée aux autres. Georges Politzer dans sa Critique des fondements de la psychologie en 1928 indique bien comment l’hypothèse de l’inconscient « ne représente que la mesure de l’abstraction qui survit à l’intérieur de la psychologie concrète ». Il est l’obstacle majeur à une véritable révolution dans l’approche d la psyché. La critique de la religion de l’inconscient rejoint ici clairement la critique de la religion de l’abstraction. C’est bien par le détour d’exigences abstraites que se pose l’inconscient freudien. Freud parle de l’inconscient à propos du rêve et c’est à cet endroit que se pose la présupposition religieuse freudienne : le sujet sait plus qu’il ne croit savoir. Le problème à suivre Freud est que le rêveur a une ignorance déterminée, l’ignorance de quelque chose que le rêveur pourrait et devrait savoir : l’ignorance du contenu latent. Ce contenu latent est inventé par Freud et devient principe de détermination universel. Au lieu de s’en tenir à la signification d’un rêve, pour la psychanalyse classique, l’inconscient comme entité abstraite prend le dessus. Les significations sont ainsi converties en entités psychiques, pour reprendre les termes de Politzer. L’inconscient vient à la place de la psychopathologie classique, Névrose, Psychose et Perversion qui fait toujours florès aujourd’hui dans la vielle psychanalyse pour lutter contre le DSM. NPP contre DSM, Tragediante, comediante… La religion de l’inconscient et du transfert freudiens oriente vers le principe fondamental qu’il y a déformation dans la transposition d’un texte original. C’est bien ce transfert vers l’inconscient de l’origine et du texte qui est inconscient au sens où cela est excessivement dangereux. Les répercussions sont bien évidemment politiques et Politzer sera très sévère à partir de 1933 sur le thème de l’inconscient qu’il juge obscurantiste et réactionnaire, facilitant l’asservissement humain en toute contiguïté avec la religion de l’abstraction, pendant cette période où le ciel était ébréché et les étoiles moisies pour reprendre la métaphore de Paul Eluard dans sa Poésie ininterrompue. Lacan, lecteur de Politzer, s’est dégagé de l’inconscient des profondeurs de Freud. Il restera cependant prisonnier des abstractions, pris dans des contradictions où il s’approche à la fois d’un inconscient devenu insu tout en décrétant le très déficitaire concept de « désabonné de l’inconscient" pour dénommer les personnes scandaleusement dénommées psychotiques. Il n’y a aurait pas d’accès à l’inconscient pour ceux qui sont qualifiés psychotiques encore aujourd’hui alors qu’il n’y a pas objectivement d’entité psychose. La critique faite par Politzer à partir de 1933, l’année n’est pas fortuite, est toujours juste. La religion psychanalytique de l’inconscient nous mène inévitablement vers la religion psychanalytique du désir, le désir inconscient et celle de la structure, structure de l’inconscient. Des trucs religieux qui durent.