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APPROCHES POSSIBLES : MARX ET FREUD, LA PRATIQUE DE LA PSYCHANALYSE ET LA POLITIQUE


©Gontran Guanaes Netto

©Gontran Guanaes Netto


Résumé Le travail consiste en un extrait de notre thèse de doctorat. Nous proposons de réfléchir à l'expérience d'un psychologue inséré dans un établissement de santé. Nous reconnaissons l'influence de la politique économique capitaliste sur la production de la subjectivité et sur le fonctionnement des institutions. Dans cet article, notre conception est une réflexion théorique. Plus que de parler de la politique de la psychanalyse, il est important pour nous de traiter de la politique sur laquelle la psychanalyse doit se positionner, ce qui rend indispensable, à notre avis, d'aller à la recherche des écrits marxistes. Nous comprenons que pour la pratique d'un travailleur-intercesseur, dans les Etablissements de Santé, il est nécessaire qu'il soit averti par la Psychanalyse de Freud et Lacan et par la Science de l'Histoire de Marx. Nous essayons de délimiter nos théories afin de nous guider dans cette approche possible, c’est une posture que nous considérons comme une condition nécessaire à l'écoute des sujets dans les Établissements d'Attention au grand public. Dans l'exposition présentée, nous définissons le concept de politique à la lumière de « Le 18 de Brumaire de Louis Bonaparte », un texte dans lequel Marx souligne une lecture spécifique de l'histoire. Pour ce qui concerne la notion de politique, nous utilisons l'interprétation du philosophe slovène Slavoj Zizek, en contextualisant l'analyse marxiste pour le contemporain. Cependant, nous utilisons l'hypothèse de Lacan selon, laquelle Marx a « inventé le symptôme », c'est-à-dire qu'il a été le premier à dénoncer la spoliation d'une jouissance. On retrouve donc un projet éthique similaire chez Marx et Freud : il y a dans leurs propositions théoriques respectives une éthique, une politique avec l'intention et le potentiel de subversion des pratiques hégémoniques, représentantes du capital, dans le domaine des institutions. Nous défendons donc que l'écoute sensible d'un travailleur transdisciplinaire, travailleur-intercesseur, ancré dans le théorie de Marx, dans la Psychanalyse de Freud et Lacan, serait une condition sine qua non pour une praxis dans les institutions, orientée vers le mode de production du capital. Mots-clés : Approximation ; Marx ; Freud et Lacan ; praxis ; institutions. Introduction Cet article est un extrait de notre thèse de doctorat qui vise à exposer les réflexions d'un travailleur-intercesseur sur les approches possibles entre la psychanalyse, Freud et Lacan et la Science de l'Histoire de Marx. La pertinence de la thèse est due à l'exposition d'une possibilité d'action-réflexion dans un hôpital général, comme moyen de surmonter les processus de santé-maladie-attention qui sont centrés sur le principe dualiste de cure-maladie, au-delà du cadre analytique classique. L'expérience de l'écoute psychanalytique, in locus et in acto, s'est déroulée dans une Unité de Santé hospitalière. Cependant, dans le présent article, notre plan est une réflexion théorique, nous nous attarderons sur le caractère révolutionnaire qui existe en psychanalyse, puisque nous y trouvons une homologie éthique féconde avec l'œuvre de Marx. Dans le terme et posture à adopter devant les sujets et les équipes, il est très important d'esquisser, même brièvement dans cet expose, le rapprochement nécessaire de la Psychanalyse à Marx. Ce qui est en jeu dans cette perspective, c'est le positionnement d'une écoute des influences du mode de production capitaliste dans la politique contemporaine. Nous trouvons le fondement argumentatif du problème, que nous proposons, au fil de certains textes, dans les œuvres freudiennes et lacaniennes elles-mêmes. Définition de la politique, répétition et histoire Pour définir le concept de politique, nous avons choisi d'utiliser « Le 18 de Brumaire de Louis Bonaparte », l’œuvre dans laquelle Marx rappelle une lecture de l'histoire, dont l'objet est l'événement révolutionnaire de 1848 à 1851 survenu en France, par lequel, comme son oncle Napoléon, Louis Bonaparte se déclare empereur. La grande importance de l'œuvre, citée par Engels (Marx, 1852/2011), est donnée par la perception de Marx qui constate que les luttes historiques vécues par l'humanité dans le monde, dans le domaine religieux, philosophique ou idéologique, sont l'expression des luttes entre les classes sociales. Les conflits entre les classes sociales seraient conditionnés par leur degré de développement économique et par leur mode de production. Marx (1852/2011), en particulier, illustrant la discussion en s’appuyant sur le contexte français, a décrit les formes utilisées par Louis Bonaparte (profitant de ce que son oncle Napoléon représentait) et la bourgeoisie, pour coopter les paysans et le prolétariat par des promesses ou par la répression, sous prétexte de démocratie, d'égalité et de fraternité. Selon, Marx (1852/2011), les révolutions prolétariennes du XIXe siècle auraient été soumises à la classe dominante en abandonnant leurs idéaux, en vertu d'une exaltation passive de l'avenir et en interrompant continuellement leur propre marche. En reutilisant Hegel, qui dans des passages de ses œuvres a déclaré que les faits historiques sont mis en scène deux fois, Marx a ajouté que la première fois était une tragédie et la seconde répétée comme une farce. L'intention de cette analyse est de dire que les événements se répètent à travers l'histoire de différentes manières, mais avec le même objectif : le maintien d'une classe au pouvoir à travers des artifices imprégnés d'idées, d'actes et de jeux d’« intelligence », visant toujours à soumettre et miner les forces du pôle exproprié (dominé). On nomme comme politique les tactiques utilisées par la classe dominante, pour rester au pouvoir ; Marx le considère comme une catégorie du mode de production du capital (Silva ; Bertoldo, 2011).Selon Marx (1867/2013), le système capitaliste engendre les rapports sociaux, l'exploitation du travail est dissimulée et l'objet marchand est élevé à la position de fétiche, il est déifié, il est placé aux commandes par rapport aux sujets, ceux-ci sont consommateurs et consommés (Braunstein, 2010). Zizek (2011) parle d'un nouvel esprit de consommation, appelé « capitalisme culturel », l'achat de marchandises non pour l'utilité, mais, pour le plaisir et le sens qu'il vous donne. L'invention publicitaire nous demande de vivre un capitalisme plus doux, en regardant les satisfactions que la marchandise peut nous apporter. Nous vous demandons, pourquoi n’achetez-vous pas des marchandises pour le plaisir qu'elles procurent ? Et depuis quand l'achat de marchandises est-il strictement lié à l'utilité ? Quant aux formes douces d'expression du capital, il est totalement vain d'ignorer qu'elles sont encore ancrées dans ses préceptes les plus solides : Argent - Marchandise-Argent, acheter pour vendre, exploiter pour produire, faire de la plus-value. L'argent est transformé en marchandise et transformé en argent ensuite. Selon, Zizek (2011), en interprétant Marx, la marchandise, le capitalisme aurait une propriété mondialisée qui conviendrait à toute civilisation. À l'instar de Louis Bonaparte et de la République bourgeoise du XIXe siècle, le philosophe énumère une série d'événements survenus dans le monde ces dernières années qui présentent le mode de production capitaliste s'exprimant à travers des valeurs égalitaristes et écologiques. Pour citer d'autres mises à jour du capital enveloppé de « valeurs humanitaires », nous rappelons la crise financière mondiale de 2008 (à la suite des élaborations théoriques marxistes qui ont fait de l'État l'un des principaux représentants du capital), de nombreux pays-États, dont les États-Unis d'Amérique et la Chine, ont investi des milliards dans leurs banques pour qu'elles ne fassent pas faillite. L'attitude de Barack Obama, quand il était président américain, se positionnait contre la politique de Bush, mais en faveur de la guerre en Afghanistan, au Pakistan et contre la poursuite de ceux qui ont ordonné la torture dans ces guerres (Zizek, 2011). Ces sont là des contradictions intéressantes à analyser, d'une part, les États-nations face aux crises économiques, d'autre part, investir dans les banques plutôt que dans la politique publique pour la population. Un président dit progressiste, a défendu la démocratie et les droits humains, mais est resté favorable aux guerres et à la répression des tortionnaires de guerre. Le capital, le discours capitaliste (Lacan, 1969-1970/1992), a la qualité d'être producteur d'un lien social, c'est-à-dire, comme le disait Quinet (2003), c'est un lien fou, sa politique est basée sur l'extermination de la différence et sur l'accumulation de richesses entre les mains de quelques personnes et au détriment de la majorité. La voie d'un positionnement de la psychanalyse par rapport à la politique, et c'est ainsi que nous voulons aborder le sujet, nécessite la reconnaissance de la thèse soutenue par Lacan (1968-1969/2008a), dont Marx a inventé le symptôme, qui fut le premier à dénoncer la spoliation d'une jouissance. « Je me tournerai vers Marx, dont j'ai eu beaucoup de mal à ne pas présenter les paroles plus tôt, et qui m'a longtemps ennuyé, dans un domaine où, pourtant, il est parfaitement à sa place. C'est à partir d'un niveau homologique basé sur Marx que je commencerai aujourd'hui à présenter le lieu où nous devons situer la fonction essentielle de l'objet a » Marx a défini le capital par une production de valeur qui ne tient pas compte du sujet, travailleur, extrait (et perdu à jamais) de lui en vendant sa force de travail au capitaliste, propriétaire des moyens de production. Chez Lacan, l'une des définitions de l'objet a est construite autour de la notion de perte de jouissance, le reste de désir spéculatif, la cause d'un désir qui, à un moment donné, était constitutif et fondateur de l'image primordiale d'elle-même. Lacan (1968-1969/2008b), en lisant le symptôme de Marx : la vérité dans le système est l'absolutisation du marché, la métonymie du travailleur exploité, se personnifiant dans le travailleur qui vend sa force de travail aux patrons et reste avec seulement une petite partie de la valeur acquise par la vente du produit que lui-même a fabriqué. Cela dit, Freud, lorsqu'il traite du chemin vers la vérité qu'il y a dans les conflits psychiques manifestés par le sujet dans la souffrance, aurait accompagné Marx quand il a perçu que les lapsus, les symptômes, les rêves et les mots d’esprit sont une distorsion opérée dans la psyché, et des formations substitutives devant l'impossibilité de la réalisation du désir[sexuel] (Rozitchner, 1989 ; Lacan, 1968-1969/2008a ; Zizek, 2011). Le lien du mode de production de la vie matérielle et sociale avec la constituition de l’appareil psychique nous permet de penser que ces plans d'analyse sont en continuité, qu’ils sont les différents côtés du même groupe. En 1921, Freud (1921/1996a) avait affirmé que toute psychologie individuelle est psychologie sociale. Avec Lacan (1945/1998a) nous suivons cette affirmation, que le sujet de l'individu n'est autre que celui du collectif. La prétention est de ne pas comprendre le sujet à travers le collectif ; sinon, nous écoutons le collectif à travers le sujet. Comme n'est-ce pas par les signifiants de la culture, de cet Autre à travers lesquels sont transmises les inscriptions de chiffrement de la jouissance et de représentation de désir, que le sujet est constitué comme sujet ? Lacan (1968-1969/2008a) souligne que ce qui est inaugural dans le discours de Marx : c'est la plus-value ; situer le travail sur le marché, comme une capacité à vendre, sera cette compréhension que la renonciation à la jouissance n’est pas nouvelle. Par conséquent, l'essence du discours analytique, et ceci nous pouvons aussi le mettre comme nouveauté, selon une lecture lacanienne, est de mettre en évidence l'existence d'un discours qui articule le renoncement à la jouissance qui s'exprime dans la fonction plus-de-jouir, un renoncement qui est l'effet du discours. Cependant, un psychanalyste plus réactionnaire ou peu méfiant pourrait encore nous demander : pourquoi étudier Marx pour penser à la clinique psychanalytique ? À cela, nous répondrons avec Lacan lui-même : « J'ai remplacé cette référence exaltante à l'énergique par une référence à l'économie politique, que nous aurions du mal à suggérer, dans les temps actuels, qu'elle est moins matérialiste » (1968-1969/2008b, p. 32). La reconnaissance que les références et les configurations économiques sont plus viables pour l'analyse des mouvements du sujet, autour de ses impasses et des réponses qui le conduisent à la réalité, que celles issues de la thermodynamique, offertes à Freud (Lacan, 1968-1969/2008a). Cette connaissance rend justice à la nécessité de se placer au sommet de la subjectivité de notre temps, paraphrase d'un axiome lacanien, pour pouvoir écouter ce sujet façonné dans le réel capitaliste (Lacan, 1966/1998b). La proposition à formuler dans ce principe est qu'il n'y aurait aucune raison de parler de sujet, comme nous l'appelons quand nous quittons l'Etat capitaliste, si le corrélât (plus-value ) du plus-de-jouir capturé par certains n’ait pas sur le marché de l'Autre (Lacan, 1968-1969/2008a). Nous défendons que l'une des postures politiques de la psychanalyse est de pouvoir être conscient de la politique d'ordre des idéaux qui se posent comme la seule possible pour habiter la convivialité et la production de la vie en relations humaines. La posture politique de la psychanalyse et la congruence éthique avec Marx Sur la scène politique actuelle, plus que de parler de la politique de la psychanalyse, il est important pour nous d'aborder la politique dans laquelle la psychanalyse doit se positionner. Il devient donc essentiel d'aller à la recherche des écrits marxistes, en se basant la Science de l'Histoire. Nous utilisons l'hypothèse, suivant Costa-Rosa (2015), qui a sa lecture de l'enseignement de Jacques Lacan, pour soutenir la précaution d'écouter la psychanalyse de Freud et Lacan et le complexe logique-catégorie marxiste : que la compréhension du sujet et de l'objet en psychanalyse est équivalente à celle de Marx. Il y a un certain nombre de références de Lacan à Marx, pour n'en nommer que quelques-unes, pour souligner à quel point le psychanalyste français a été influencé par la pensée marxiste. Dans le séminaire sur l'éthique de la psychanalyse, Lacan (1959-1960/1997) qualifie Marx, avec Descartes, Kant, Hegel et Freud, d'insurmontables, pour avoir marqué une véritable orientation pour la recherche. Plus tard, dans le séminaire appelé par Jacques Allain-Miller « de l'Autre à l'autre », Lacan (1968-1969/2008) souligne que la psychanalyse est sur la voie ouverte laissée par le marxisme, pour ne pas méconnaître que le discours est lié aux intérêts du sujet, intérêts qui sont entièrement mercantiles, la marchandise étant liée au maître signifiant, c'est-à-dire la marchandise est un signifiant qui représente le sujet aux autres signifieurs, par lequel il a été constitué dans son histoire. Lacan s'est non seulement déclaré lecteur de Marx, mais il a aussi souligné les conséquences néfastes du mode de production capitaliste (Lacan, 1969-1970/1992 ; 1972/1978 ; 2001/2003a ; 2001/2003b). Dans le séminaire suivant, « L'envers de la psychanalyse », il nous a présenté l'inflexion du discours du maître ancien au discours du maître moderne, l'incarnation capitaliste de ce discours centré auparavant sur la logique du maître et de l'esclave (Lacan, 1969-1970/1992). Dans une entretien donnée sur une chaîne de télévision, publié plus tard sous forme de texte (Lacan, 2001/2003a), il a pu nommer le Discours du Capitaliste, comme le discours qui ne crée pas de lien social, qui plus tard, dans une conférence à Milan, sera écrit sous forme de mathématiques (Lacan, 1972/1978).

Nous adhérons à la pensée de Lacan, en assumant la grande contribution que la pensée marxiste peut nous apporter pour la clinique du sujet de l'inconscient, que ce soit en cabinet ou dans les institutions en général. Dans « Télévision », Lacan (2001/2003a) affirme que la sortie du discours capitaliste ne constituera pas un progrès si ce n'est pour certains. Nous devons toujours noter l'importance de la science de l'histoire pour une analyse critique des événements qui nous obligent à nous positionner. « Je ne vois pas comment la référence structurelle pourrait ignorer la dimension de l'histoire. L'histoire, telle qu'elle est incluse dans le matérialisme historique, me semble strictement conforme aux exigences structurelles » (Lacan, 1968-1969/2008, p. 36). Regarder l'histoire de ce point de vue est un travail extrêmement complexe, c’est ce que met Marx en évidence par rapport aux autres : voir l'histoire comme une histoire de lutte des classes. Marx (1867/2013) dit que la propriété capitaliste privée surgit comme une antithèse de la propriété sociale collective. C'est le jalon de l'adoption d'un mode de production qui oblige le travailleur, devant le cultivateur de ses terres et propriétaire de ses moyens de production pour la vie communautaire, à être libre d'être exploité et de faire extraire son sang par le capitaliste, par les mains d'une société plongée dans la production débridée de biens de consommation (Marx, 1844/2010). Selon Freud (1930[1929]/1996b), la culture de la société civilisée et développée est responsable de nos malheurs. Lors du passage de la communauté, des conditions primitives, la horde primitive, à la vie communautaire civilisée, un malaise se serait produit qui avait été établi, s'intensifiant, le sujet était obligé de renoncer à la satisfaction sexuelle et par conséquent il y avait production de souffrance et sentiment de culpabilité. Une telle transition se serait faite pour deux raisons : la contrainte au travail et l'amour qui hésite à être privé de l'objet. La civilisation mentionnée par Freud est la société du mode de production capitaliste. A cet égard, nous notons une analyse exhaustive du développement de la civilisation (traduite par l’éditeur Imago du Kultur allemand), des hypothèses sur les similitudes constitutives entre la constitution de l'appareil psychique et la constitution de la société, ainsi que les effets possibles de la transformation de la vie en société sur la constitution psychique du réel. Bien que dans l'essai de Freud, et d'autres de nature plus sociologique dans son travail (Freud, 1921/1996a ; 1930[1929]/1996b ; 1933[1932]/1996c ; 1908/1996d ; 1913[1912-13]/1996e ; 1927/1996f ; 1939[1934-38]/1996g), il ne fait pas directement référence au mode de production capitaliste, nous ne disposons pas d'une raison d'avancer que ce genre de société ne correspond pas à son organisation. La référence au capital n'est pas claire, cependant, il existe une critique des valeurs qui ont construit la société de son temps, à la lumière de Marx. La réflexion du père de la psychanalyse est très intéressante : l'amour et la contrainte de travailler sont comme les deux fondements de la civilisation. Le sujet est exposé à des souffrances extrêmes face au rejet de l'objet, à son infidélité ou à sa mort, il y a une réticence de sa part à être privé de l'objet. La contrainte de travailler, tandis que l'autre est le fondement, est ce qui est produit à partir d'un besoin externe du sujet. Pour Freud (1930[1929]/1996b), avec les exigences de la civilisation, l'amour est placé selon ses intérêts, la vie sexuelle est restreinte et il y a une obéissance aux lois de la nécessité économique, un facteur qui influence le degré restant de liberté sexuelle. Althusser (1985) a déclaré que l'objet de Marx et Freud est le même dans la mesure où les deux traitent d'un conflit qui est constitutif, mais cette égalité cesse alors que Marx s'arrête à une analyse des Formations sociales[capitalistes] et Freud à une analyse des Formations inconscientes. Selon Lacan (1968-1969/2008), avant Marx et Freud, la plus-value et le symptôme existaient, mais n'avaient pas encore été nommés. L'originalité de Marx et Freud se trouverait dans la définition que les auteurs donnent à leurs objets, dans le marquage de leurs limites et de leur étendue, dans la possibilité d'une éthique, d'une praxis, dans la construction d'autres théories qui nous permettent d'agir contre les impasses qui nous défient dans le réel vécu (Althusser, 1985 ; Lacan, 1968-1969/2008). Nous sommes d'accord avec Lacan (1959-1960/1997) dans « Le Séminaire, Livre 7 : L'éthique en psychanalyse », quand il défend Freud en disant que le fait qu'il n'avait pas le soutien d'un progressiste n'est pas entré en conflit avec l'adjectif réactionnaire. Bien au contraire. Selon Slavutzky (1983), illustrant par « L'avenir d'une illusion », Freud (1927/1996f) postule que tout gouvernement répressif et contraire aux intérêts de la majorité du peuple mérite qu’on s'y oppose. Il est donc difficile de croire que la posture de Freud n'était pas éthiquement progressiste pour un sujet qui, tout au long de son œuvre, s'est déclaré opposé à l'antisémitisme (en tant que juif) ; critique de la pathologisation de l'homosexualité (Jones, 1979), de la soumission des femmes comme inférieures aux hommes (Freud, 1908/1996d), de la culture naturaliste et ségrégatoire (Freud, 1930[1929]/1996b). Dans « Moralité sexuelle civilisée et maladie nerveuse moderne », Freud (1908/1996d) met en garde contre le fait que l'expérience nous montre l'existence d'une limite pour la plupart des personnes, au-delà de laquelle elles ne peuvent satisfaire les exigences de la civilisation. Les sujets voudraient être plus nobles que leur constitution ne le leur permet, et étant donné qu'ils sont victimes de névrose, il est certain qu'ils pourraient être en meilleure santé s'ils étaient moins bons. Dans les « Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse », dans la XXXV Conférence - la question d'un WELTANSCHAUNG, Freud (1933[1932]/1996c) critique Marx, disant que ses théories semblent étranges, elles ressemblent à l'obscure philosophie hégélienne. Cependant, dès le début de cette conférence, Freud lui-même admet qu'il regrette l'insuffisance de ses informations, ne sachant pas dire si ce que Marx a dit est vrai ou faux et que ce ne serait pas un sujet facile, même pour ceux qui sont plus instruits que lui. Entre critiques et analyses de Marx, Freud avoue cependant qu'il n'est pas sûr de comprendre correctement de telles théories. Ce, dans une posture sans pareille, d'une humilité enviable et qui, à notre avis, assure son statut de génie qu’on retrouve encore dans ses textes, Freud précise qu'il ne sait pas s'il peut se débarrasser de son opinion laïque par rapport aux textes de Marx. Malgré les critiques, le psychanalyste viennois souligne également que les recherches de Marx sont d'une autorité indéniable, de même que ses vues sur la structure économique de la société et son influence sur tous les aspects de la vie humaine. L'affirmation à la fin de « Le Malaise de la civilisation », qu'il n'a pas trouvé absurde l'idée que la totalité de l'humanité est devenue névrosée par l'influence historique d'autres époques, cultures et civilisations, nous énonce un[de tant d'autres possibles] dialogue étroit de la psychanalyse de Freud et du terrain de Lacan avec Marx (Freud, 1930[1929]/1996b ; Oliveira, 2005). Freud s'oppose à l'éthique naturelle (la satisfaction narcissique d'un sujet de vouloir être meilleur que l'autre) et à l'éthique religieuse (la promesse de vie après la mort), et conclut qu'un changement réel dans la relation des sujets avec la propriété serait beaucoup plus utile que tout ordre éthique (1930[1929]/1996b). Nous n'avons pas l'intention de faire dire a Freud, cependant, en le lisant avec Marx, c'est ce que nous proposons timidement pour l'instant, il est difficile de ne pas trouver le caractère révolutionnaire qui peut exister dans son œuvre. En conclusion : une réflexion nécessaire pour la pratique de la psychanalyse en institution Nous trouvons un projet éthique similaire chez Marx et Freud, évidemment déjà traité par Lacan, tous deux abordent une théorie historique, une science de l'histoire comme mouvement, montrant un aperçu du futur, de l'horizon, comme une équation de la contradiction[qui est] présente (Rozitchner, 1989). Il y a dans les propositions éthiques respectives une politique visant à supprimer (élever la chose à un autre statut, au sens de la dialectique (Hegel, 1812/1993)) les pratiques hégémoniques, représentant le capital, dans le domaine des politiques publiques. Car cette façon d'opérer en pratique, dans les termes proposés par Dionísio (2018), concernant ce qui est rigoureusement la recherche en psychanalyse, nous n'entendons pas la reconnaître comme une « méthode », une façon de travailler où le savoir est donné a priori, vient avant l'expérience, dans les mêmes canons de la science positiviste classique : connaître, chercher, étudier - éloigner la relation sujet et objet. Avant, nous préférons viser la transformation pour savoir et non connaître pour savoir. La matérialisation de cet exercice de réflexion se situe dans la posture du travailleur-intercesseur, caractérisation clinique théorique créée par Costa-Rosa (2015). L'écoute sensible d'un travailleur transdisciplinaire, dans sa dimension esthétique (Dionisio, 2010), ancrée dans Marx et la psychanalyse de Freud et Lacan, est le point de départ sine qua non d'une praxis en institutions, qui vise à intervenir non seulement sur les sujets de l'inconscient, mais, aussi sur la division sociale du travail. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Althusser, L. (1985). Marx e Freud. In: Althusser, L. Freud e Lacan. Marx e Freud: introdução crítica-histórica, trad. Walter José Evangelista, 2 ed. Rio de Janeiro: Edições Graal. Braunstein, N. A. (2010). “O discurso capitalista: quinto discurso? O discurso dos mercados (PST): sexto discurso?”. In: A Peste: Revista de Psicanálise, Sociedade e Filosofia, 2(1), jan./jun., 143–165. Disponível em: https://revistas.pucsp.br/index.php/apeste/article/view/12079/8752. Acesso em: 11 de julho, 2018. Costa-Rosa, A. (2013). 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Apoio Fundação de Amparo à Pesquisa do Estado de São Paulo (FAPESP). As opiniões, hipóteses e conclusões ou recomendações expressas neste material são de responsabilidade do(s) autor(es) e não necessariamente refletem a visão da FAPESP



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