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Partir d’une autre base dans le rapport à l’idéologie et à la production des idées


Ce long texte qui est plutôt un document de travail est à lire avec la poursuite du thème « parler de psychiatrie, c’est parler de liberté » et reprend la question fondamentale posée par Marx dans l’Idéologie allemande « Pourquoi les idéologues mettent tout la tête en bas ? » Nous continuons ainsi notre travail d’émancipation des pratiques tutélaires, invalidantes et aliénantes dans le domaine de la vie sociale.


L’analyse idéologique et le combat idéologique, la lutte des idées, ont une importance évidente dans la vie sociale et politique : Marx le souligne très tôt. En 1845 dans l’Idéologie allemande, il fait de la production des idées « le langage de la vie réelle ». (Idéologie allemande, éditions sociales) Il indique en effet : « La production des idées, des représentations et de la conscience est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes »

Il poursuit cependant tout de suite avec le renversement nécessaire contenu dans la production même des idées. Le point fondamental est le renversement du rapport entre ce que Marx appelle « la vie » et « la conscience ». Il renverse le postulat qui faisait croire aux hommes que la conscience déterminait la vie. En fonction des idées qu’ils ont dans la tête, les êtres sociaux organiseraient leurs échanges, leurs relations économiques, leurs rapports au pouvoir, leur monde matériel. Ainsi fonctionne le préjugé dominant encore aujourd’hui en psychologie, en psychiatrie mais aussi dans la vie sociale courante : les idées organiseraient le monde. Marx montre dès le début de son œuvre que c’est le monde matériel et social qui produit les idées que les hommes ont dans la tête.

Le renversement produit par Marx est simple mais considérable : les idées ne fabriquent pas les conditions matérielles, ce sont les conditions matérielles qui fabriquent les idées.

Ce simple énoncé renverse les théories psycho-dynamiques actuelles. Il s’agit comme dans l’économie politique de faire dans la pratique métamorphose théorique d’une théorie ancienne. Marx affirme le primat de la pratique de la vie sociale comme base, et c’est avec cet outil que nous travaillons à l’APPS.


« Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l'émanation directe de leur comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle qu'elle se présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc. de tout un peuple. Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leur représentations, de leurs idées, etc., mais les hommes réels, agissants, tels qu'ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et des rapports qui y correspondent, y compris les formes les plus larges que ceux-ci peuvent prendre. La conscience ne peut jamais être autre chose que l'être conscient [1] et l'être des hommes est leur processus de vie réel. Et si, dans toute l'idéologie, les hommes et leurs rapports nous apparaissent placés la tête en bas comme dans une camera obscura, ce phénomène découle de leur processus de vie historique, absolument comme le renversement des objets sur la rétine découle de son processus de vie directement physique. »

Dans le paragraphe précédent il avait précisé le primat de la vie sociale, des rapports sociaux : « Voici donc les faits : des individus déterminés qui ont une activité productive selon un mode déterminé entrent dans des rapports sociaux et politiques déterminés. Il faut que dans chaque cas isolé, l'observation empirique montre dans les faits, et sans aucune spéculation ni mystification, le lien entre la structure sociale et politique et la production. La structure sociale et l'État résultent constamment du processus vital d'individus déterminés; mais de ces individus non point tels qu'ils peuvent s'apparaître dans leur propre représentation ou apparaître dans celle d'autrui, mais tels qu'ils sont en réalité, c'est-à-dire, tels qu'ils œuvrent et produisent matériellement; donc tels qu'ils agissent sur des bases et dans des conditions et limites matérielles déterminées et indépendantes de leur volonté. Les représentations que se font ces individus sont des idées soit sur leurs rapports avec la nature, soit sur leurs rapports entre eux, soit sur leur propre nature. Il est évident que, dans tous ces cas, ces représentations sont l'expression consciente réelle ou imaginaire de leurs rapports et de leur activité réels, de leur production, de leur commerce, de leur organisation politique et sociale. Il n'est possible d'émettre l'hypothèse inverse que si l'on suppose en dehors de l'esprit des individus réels, conditionnés matériellement, un autre esprit encore, un esprit particulier. Si l'expression consciente des conditions de vie réelles de ces individus est imaginaire, si, dans leurs représentations, ils mettent la réalité la tête en bas, ce phénomène est encore une conséquence de leur mode d'activité matériel borné et des rapports sociaux étriqués qui en résultent. »

L’organisation des rapports sociaux de production qui borne le mode d'activité matériel humain est première et déterminante jusque dans l’obscurantisme humain qui n’est pas uniquement un refus de la Raison ou de la Science, mais aussi conséquence de « mettre la réalité la tête en bas » dans les représentations mentales, du fait même d’une organisation bornée des rapports sociaux, et cela est un point essentiel que nous avions déjà souligné dans ce blog en insistant sur l’étude premières des contradictions vivantes dans la réalité humaine vivante, formule de Lenine, et cette réalité nous l’avons appelé « transfert social », « transfert de valeurs ».

C’est avec cette base que nous analysons à l’APPS tant dans l’individuel que dans le collectif, et que nous travaillons à la libération d’un asservissement par l’analyse de ce qui fait puissance pour un individu ou un collectif dans l’histoire concrète. Et nous nous inspirons de Marx dans la suite de l’extrait de l’Idéologie allemande qui certes a pour objet l’idéologie allemande mais à travers elle, et c’est un point essentiel, toute base idéologique fonctionnant comme primat.

« A vrai dire, dans l'histoire passée, c'est aussi un fait parfaitement empirique qu'avec l'extension de l'activité, au plan de l'histoire universelle, les individus ont été de plus en plus asservis à une puissance qui leur est étrangère, — oppression qu'ils prenaient pour une tracasserie de ce qu'on appelle l'Esprit du monde, — une puissance qui est devenue de plus en plus massive et se révèle en dernière instance être le marché mondial. » Il s’agit d’analyser avec cette boussole de la puissance que Marx distingue de tout mysticisme ou mystification : « Mais il est tout aussi fondé empiriquement que cette puissance, si mystérieuse pour les théoriciens allemands, sera abolie par le renversement de l'état social actuel, par la révolution communiste (…) et par l'abolition de la propriété privée qui ne fait qu'un avec elle; alors la libération de chaque individu en particulier se réalisera exactement dans la mesure où l'histoire se transformera complètement en histoire mondiale (2). D'après ce qui précède, il est clair que la véritable richesse intellectuelle de l'individu dépend entièrement de la richesse de ses rapports réels. C'est de cette seule manière que chaque individu en particulier sera délivré de ses diverses limites nationales et locales, mis en rapports pratiques avec la production du monde entier, (y compris la production intellectuelle) et mis en état d'acquérir la capacité de jouir de la production du monde entier dans tous ses domaines (création des hommes). La dépendance universelle, cette forme naturelle de la coopération des individus à l'échelle de l'histoire mondiale, sera transformée par cette révolution communiste en contrôle et domination consciente de ces puissances qui, engendrées par l'action réciproque des hommes les uns sur les autres, leur en ont imposé jusqu'ici, comme si elles étaient des puissances foncièrement étrangères, et les ont dominés. Cette conception peut être à son tour conçue d'une manière spéculative et idéaliste, c'est-à-dire fantastique, comme "génération du genre (3) par lui-même" (la "société en tant que sujet") et, par là, même la série successive des individus en rapport les uns avec les autres peut être représentée comme un individu unique qui réaliserait ce mystère de s'engendrer lui-même. On voit ici que les individus se créent bien les uns les autres, au physique et au moral, mais qu'ils ne se créent pas, ni dans le non-sens de saint Bruno, ni dans le sens de l'"unique" (4), de l'homme ‘’fait lui-même’’».

Ce passage historiquement très actuel insiste sur les rapports réels dont nous avons fait notre boussole théorique -le transfert social- à la lecture du Capital Livre 1, et met en évidence les dangers des conceptions spéculatives, idéalistes, avec la mystification de l’Unique ou du Self-Made-Man, produits capitalistes par excellence.

Dans la suite du texte s’inaugure une conception de l’histoire comme partant de la forme des relations humaines liées à un mode de production, et nous soulignons en caractère gras les passages où la conception matérielle de l’histoire « n'explique pas la pratique d'après l'idée, elle explique la formation des idées d'après la pratique matérielle; elle arrive par conséquent à ce résultat, que toutes les formes et produits de la conscience peuvent être résolus non pas grâce à la critique intellectuelle, par la réduction à la "conscience de soi" ou la métamorphose en "revenants", en "fantômes", en "obsessions" [27], etc., mais uniquement par le renversement pratique des rapports sociaux concrets d'où sont nées ces sornettes idéalistes. » Cette conception de l’histoire novatrice réduit considérablement, au point de l’invalider, la portée d’une approche de travail individuel sur le rapport aux autres qui s’appuie sur les représentations psychiques psychanalytiques.


Enseignons nous en lisant Marx, en remettant la phrase précédemment extraite dans la continuité de la pensée du texte :

« Cette conception de l'histoire a donc pour base le développement du procès réel de la production, et cela en partant de la production matérielle de la vie immédiate; elle conçoit la forme des relations humaines liée à ce mode de production et engendrée par elle, je veux dire la société civile à ses différents stades, comme étant le fondement de toute l'histoire, ce qui consiste à la représenter dans son action en tant qu'État aussi bien qu'à expliquer par elle l'ensemble des diverses productions théoriques et des formes de la conscience, religion, philosophie, morale, etc., et à suivre sa genèse à partir de ces productions, ce qui permet alors naturellement de représenter la chose dans sa totalité (et d'examiner aussi l'action réciproque de ses différents aspects). Elle n'est pas obligée, comme la conception idéaliste de l'histoire, de chercher une catégorie dans chaque période, mais elle demeure constamment sur le sol réel de l'histoire; elle n'explique pas la pratique d'après l'idée, elle explique la formation des idées d'après la pratique matérielle; elle arrive par conséquent à ce résultat, que toutes les formes et produits de la conscience peuvent être résolus non pas grâce à la critique intellectuelle, par la réduction à la "conscience de soi" ou la métamorphose en "revenants", en "fantômes", en "obsessions" , etc., mais uniquement par le renversement pratique des rapports sociaux concrets d'où sont nées ces sornettes idéalistes. Ce n'est pas la critique, mais la révolution qui est la force motrice de l'histoire, de la religion, de la philosophie et de toute autre théorie. Cette conception montre que la fin de l'histoire n'est pas de se résoudre en "conscience de soi" comme "esprit de l'esprit", mais qu'à chaque stade se trouvent donnés un résultat matériel, une somme de forces productives, un rapport avec la nature et entre les individus, créés historiquement et transmis à chaque génération par celle qui la précède, une masse de forces de production, de capitaux et de circonstances, qui, d'une part, sont bien modifiés par la nouvelle génération, mais qui, d'autre part, lui dictent ses propres conditions d'existence et lui impriment un développement déterminé, un caractère spécifique; par conséquent les circonstances font tout autant les hommes que les hommes font les circonstances. Cette somme de forces de production, de capitaux, de formes de relations sociales, que chaque individu et chaque génération trouvent comme des données existantes, est la base concrète de ce que les philosophes se sont représenté comme. "substance" et "essence de l'homme", de ce qu'ils ont porté aux nues ou qu'ils ont combattu, base concrète dont les effets et l'influence sur le développement des hommes ne sont nullement affectés parce que ces philosophes se révoltent contre elle en qualité de "conscience de soi" et d'"Uniques". Ce sont également ces conditions de vie, que trouvent prêtes les diverses générations, qui déterminent si la secousse révolutionnaire, qui se reproduit périodiquement dans l'histoire sera assez forte pour renverser les bases de tout ce qui existe; les éléments matériels d'un bouleversement total sont, d'une part, les forces productives existantes et, d'autre part, la formation d'une masse révolutionnaire qui fasse la révolution, non seulement contre des conditions particulières de la société passée, mais contre la "production de la vie" antérieure elle-même, contre l'"ensemble de l'activité" qui en est le fondement; si ces conditions n'existent pas, il est tout à fait indifférent, pour le développement pratique, que l'Idée de ce bouleversement ait déjà été exprimée mille fois... comme le prouve l'histoire du communisme. »

Cette analyse a une portée aujourd’hui sur la façon de prendre les situations concrètes liées au développement de l’Etat moderne libéral occidental dont le fondateur est Hegel. Il s’agit à la fois de saisir les conditions sociales, les formes des rapports sociaux des états libéraux hégéliens ou post-hégéliens mais aussi les productions intellectuelles nées dans ce cadre et qui ne sont pas sans rappeler l’insuffisance soulignée par Marx de la fonction de la critique dans l’histoire.

A ce sujet Marx écrit :

« les Allemands se meuvent dans le domaine de l'"esprit pur" et font de l'illusion religieuse la force motrice de l'histoire. La philosophie de l'histoire de Hegel est la dernière expression conséquente, poussée à sa "plus pure expression", de toute cette façon qu'ont les Allemands d'écrire l'histoire et dans laquelle il ne s'agit pas d'intérêts réels, pas même d'intérêts politiques, mais d'idées pures; cette histoire ne peut alors manquer d'apparaître à saint Bruno comme une suite d'"idées", dont l'une dévore l'autre et sombre finalement dans la "conscience de soi", et à saint Max Stirner, qui ne sait rien de toute l'histoire réelle, cette marche de l'histoire devait apparaître avec bien plus de logique encore comme une simple histoire de "chevaliers", de brigands et de fantômes (5), aux visions desquels il n'arrive naturellement à échapper que par la "désacralisation". Cette conception est vraiment religieuse, elle suppose que l'homme religieux est l'homme primitif dont part toute l'histoire, et elle remplace, dans son imagination, la production réelle des moyens de vivre et de la vie elle-même par une production religieuse de choses imaginaires. Toute cette conception de l'histoire, ainsi que sa désagrégation et les scrupules et les doutes qui en résultent, n'est qu'une affaire purement nationale concernant les seuls Allemands et n'a qu'un intérêt local pour l'Allemagne, comme par exemple la question importante et maintes fois traitée récemment de savoir comment l'on passe exactement "du royaume de Dieu au royaume des hommes"; comme si ce "royaume de Dieu" avait jamais existé ailleurs que dans l'imagination des hommes et comme si ces doctes sires ne vivaient pas sans cesse et sans s'en douter dans le "royaume des hommes", dont ils cherchent maintenant le chemin, et comme si l'amusement scientifique — car ce n'est rien de plus — qu'il y a à expliquer la singularité de cette construction théorique dans les nuages ne consistait pas, au contraire, à démontrer comment elle est née de l'état de choses terrestre réel. En général, il s'agit constamment, pour ces Allemands, de ramener l'absurdité qu'ils rencontrent à quelque autre lubie, c'est-à-dire de poser que tout ce non-sens a somme toute un sens particulier qu'il s'agit de déceler, alors qu'il s'agit uniquement d'expliquer cette phraséologie théorique par les rapports réels existants. La véritable solution pratique de cette phraséologie, l'élimination de ces représentations dans la conscience des hommes, ne sera réalisée, répétons-le, que par une transformation des circonstances et non par des déductions théoriques. Pour la masse des hommes, c'est-à-dire pour le prolétariat, ces représentations théoriques n'existent pas, donc pour cette masse elles n'ont pas non plus besoin d'être supprimées et si celle-ci a jamais eu quelques représentations théoriques telle que la religion, il y a longtemps déjà qu'elles sont détruites par les circonstances. »

Une proposition est essentielle :

« En général, il s'agit constamment, pour ces Allemands, de ramener l'absurdité qu'ils rencontrent à quelque autre lubie, c'est-à-dire de poser que tout ce non-sens a somme toute un sens particulier qu'il s'agit de déceler, alors qu'il s'agit uniquement d'expliquer cette phraséologie théorique par les rapports réels existants. La véritable solution pratique de cette phraséologie, l'élimination de ces représentations dans la conscience des hommes, ne sera réalisée, répétons-le, que par une transformation des circonstances et non par des déductions théoriques. »

Pour la pratique d’analyse individuelle nous avons beaucoup d’enseignements à tirer tant les pratiques psychiatriques, psychanalytiques, psychologiques sont engluées dans l’aliénation, la dépendance tutélaire, l’invalidation qui renvoient à « une conception (…) vraiment religieuse, elle suppose que l'homme religieux est l'homme primitif dont part toute l'histoire, et elle remplace, dans son imagination, la production réelle des moyens de vivre et de la vie elle-même par une production religieuse de choses imaginaires. »

Une fois de plus la boussole de l’analyse est dans l’analyse des rapports réels existants et même plus précisément aux formes des rapports réels existants.

Cela sera déployé de façon scientifique dans la Section I du Capital avec l’analyse dialectique lorsqu’il renverse la dialectique d’Hegel. Ainsi dans la postface à la seconde édition allemande du Capital Marx écrit :

« Ma méthode dialectique, non seulement diffère par la base de la méthode hégélienne, mais elle en est même l'exact opposé. Pour Hegel le mouvement de la pensée, qu'il personnifie sous le nom de l'idée, est le démiurge de la réalité, laquelle n'est que la forme phénoménale de l'idée. Pour moi, au contraire, le mouvement de la pensée n'est que la réflexion du mouvement réel, transporté et transposé dans le cerveau de l’homme. »

Nous avons fait connexion avec notre formule du transfert du social dans le mental où nous indiquons : il y a un transfert d’une problématique sociale dans le mental, ce qui exclue les représentations abstraites ainsi que nous l’avons déjà énoncé et ouvre beaucoup de perspectives nouvelles.

Le danger de l’abstraction hégelienne est de transformer la vie sociale en concepts et d’exclure de son analyse, la problématique majeure du meurtre social qui non analysé et non traité revient dans le réel des rapports sociaux.

Le règne des Idées et idéologies comme primat ou base dans une politique d’émancipation humaine a donc deux conséquences dangereuses tant dans le collectif que dans le singulier. Le développement du règne des abstractions avec celui du capitalisme, point que Marx souligne scientifiquement dans le capital, renforce considérablement ces dangers. Il y a le danger d’être inefficace quant à une politique révolutionnaire d’une part mais aussi d’ignorer dans le réel, le meurtre social, meurtre réel mais aussi meurtre moral.


Lenine s’inspire de ce rapport à l’idéologie hégélienne qu’il décèle dans le Capital et cela est d’autant plus remarquable qu’il n’avait pu lire l’idéologie allemande. Dans son article « Ce que sont les amis du peuple » en 1894, il insiste sur le fait que c’est avec l’étude des rapports que nous avancerons dans l’analyse pratique tant en théorie qu’en pratique et transmet le fait social que nous vivons dans un rapport social de production constamment.

Et cette vie où notre essence est l’ensemble des rapports sociaux a surtout une histoire :  « tout y revient à considérer l'évolution sociale comme processus d’histoire naturelle du développement des formations économiques sociales » C’est là le point différentiel avec tous les courants issus de la French Théorie, du structuralisme etc..car en effet indique Lenine en reprenant la critique faite par Kaufmann dans le Messager du Capital de Marx : « Une seule chose préoccupa Marx, y est‑il dit : trouver la loi des phénomènes qu'il étudie... Ce qui lui importe par-dessus tout, c'est la loi de leur changement, de leur développement, c’est‑à-dire la loi de leur passage d'une forme à l’autre, de tels rapports sociaux à tels autres. » Si l'élément conscient joue un rôle aussi secondaire dans l'histoire de la civilisation, il va de soi que la critique, dont l'objet est la civilisation même, ne peut avoir pour base aucune forme de la conscience ni aucun fait de la conscience. Ce n'est pas l'idée, mais seulement le phénomène extérieur qui peut lui servir de point de départ. La critique se borne à comparer, à confronter un fait, non avec l'idée, mais avec un autre fait; seulement elle exige que les deux faits aient été observés aussi exactement que possible, et que dans la réalité ils constituent vis-à-vis l'un de l'autre deux phases de développement différentes; par-dessus tout elle exige que la série des phénomènes, l'ordre dans lequel ils apparaissent comme phases d'évolution successives, soient étudiés avec non moins de rigueur. »

Dans ce texte de 1894 p. 153, Lénine distingue bien les deux bases, en s’appuyant sur Marx. A propos des bouleversements humains il indique en effet : « Le changement de la base économique bouleverse plus ou moins rapidement toute l’énorme superstructure. Lorsqu'on étudie de tels bouleversements, il faut toujours distinguer entre le bouleversement matériel– qu’on peut constater d'une manière scientifiquement rigoureuse–des conditions de production économiques et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques sous lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le mènent jusqu'au bout. Pas plus qu'on ne juge un individu sur l'idée qu'il se fait de lui-même, on ne saurait juger une telle époque de bouleversements sur sa conscience de soi ; il faut, au contraire, expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui existe entre les forces productives sociales et les rapports de production (… ) . Cette idée du matérialisme en sociologie était déjà par elle-même une idée géniale »

Le fait que l'explication des faits sociaux doit être cherchée dans les rapports matériels, et non dans les rapports idéologiques, est en effet géniale et a été oubliée ou contournée dans la plupart des théories depuis le début des années 1960. L’extension de l’idéologie au « logos des idées », à la logique des idées en général, au cours des idées les plus communes et en faire un « non primat » est une vraie révolution par rapport au discours dit critique de gauche en Europe ou aux Etats-Unis, plus ou moins radical qui se cantonne à analyser et critiquer les formes politiques et juridiques, les formes culturelles et religieuses.

Lénine avait conscience de ce danger : « Jamais ‑ pas plus dans le passé qu’aujourd’hui, les membres la société ne se sont représenté l'ensemble des rapports sociaux au milieu desquels ils vivaient comme quelque chose d’un tout bien défini, inspiré d’un principe fondamental ; au contraire, la masse s'adapte inconsciemment à ces rapports et elle est si loin de les concevoir comme des rapports sociaux historiques particuliers que, par exemple, l'explication des rapports d’échange, qui présidèrent à la vie des hommes pendant des siècles, n'a été donnée que ces tout derniers temps. Le matérialisme a supprimé cette contradiction en poussant l'analyse plus à fond jusqu'à l’origine même des idées sociales de l'homme; et sa conclusion que le cours des idées dépend du cours des choses est seule compatible avec la psychologie scientifique. »

Il insiste encore à un autre endroit du texte sur la séparation dans le rapport sociaux entre les rapports sociaux matériels et les rapports sociaux idéologiques. « Définissant leur conception du monde, ils ( Marx et Engels) l’appelaient simplement matérialisme. Leur idée fondamentale (exprimée avec une précision absolue, par exemple dans le passage précité de Marx) était que les rapports sociaux comportent des rapports matériels et des rapports idéologiques. Ces derniers ne sont qu'une superstructure érigée sur les premiers et s'établissant en dehors de la volonté et de la conscience de l'individu, comme (un résultat) une forme de l'activité de l'homme pour assurer son existence L'explication des formes politico‑juridiques, ‑ dit Marx dans ce passage – doit être recherchée dans les « conditions matérielles de la vie ».


Avec le concept de transfert d’une problématique sociale dans le mental nous sommes donc au coeur de l’articulation entre les rapports sociaux matériels et les rapports sociaux idéologiques, puisque partant de la base de la vie sociale, les « conditions matérielles de la vie ».


Hervé Hubert




Marx décompose le mot Bewusstsein (conscience) en ses deux éléments : Das bewusste Sein (l’être conscient).

(2) À ce niveau, Marx a écrit dans la colonne de droite : DE LA PRODUCTION DE LA CONSCIENCE.

(3) en allemand Gattung : genre humain.

(4) Max Stirner

(5) A ce niveau, Marx a écrit dans la colonne de droite : La manière dite objective d'écrire l'histoire consistait précisément à concevoir les rapports historiques séparés de l'activité. Caractère réactionnaire.


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