“Aliéné authentique” et les productions d’Artaud/ Van Gogh/Kane
Antonin Artaud, né en 1896 à Marseille, était un théoricien du théâtre, acteur, écrivain, essayiste, dessinateur et poète français.
Par son esprit révolutionnaire et novateur (adhésion au surréalisme (1924) et écriture dans la revue "Révolution surréaliste" 1925 ), il a influencé, bien qu’après sa mort (en 1948),entre autres, le nouveau théâtre américain de l'après mai 68 et notamment l'anarchisme et les situationnistes du Living Theater dans le théâtre américain post Mai 1968.
Issu d'une famille bourgeoise aisée multiculturelle avec des racines maltaises, arméniennes, italiennes, grecques et françaises, son enfance avait déjà été marquée par la maladie dès l'âge de 4 ans et toute sa vie par des douleurs physiques et mentales avec médicaments et drogues, et s'il lui était nécessaire de prendre des substances chimiques, il indique, dans sa période surréaliste, que c'est à la littérature de jouer le rôle de stupéfiant et à la forme valeur d'aliéné authentique d'être dans la folie plutôt que de perdre son authenticité.
Cette forme valeur d'aliénation authentique est un point de convergence entre Antonin Artaud et au travers de lui de Van Gogh , ainsi que Sarah Kane, chacun d'eux utilisant l'expression artistique comme un "pousse à la vie" donnant du répit dans leurs souffrances.
Sarah Kane, dramaturge anglaise née en 1971, écrit sa première pièce ("Explosés") en 1995 puis " L'amour de Phèdre " en 1996, et "Purifiés" en 1998.
A la fin de 1998 elle traverse une période dépressive intense et dont les traitements lui ont inspiré "4.48 Psychose"
Elle met fin à sa vie en 1999 dans l’hôpital où elle avait été internée.
Aliénation authentique également pour Van Gogh dans "le Suicidé de la société" écrit par Antonin Artaud en 1947 où il prend sa défense tout en réglant ses comptes avec la psychiatrie.
Van Gogh provenait d'une famille de l'ancienne bourgeoisie néerlandaise de pasteurs protestants et de commerçants d'art, et s'était établi en France pour explorer, à la fois par des cours et en autodidacte, le dessin et la peinture et tout au long de sa vie qui a été marquée par la souffrance mentale.
La forme valeur d’aliéné authentique, forgée par Antonin Artaud suite à sa propre expérience de vie, les relie tous trois dans le devenir fou plutôt que de perdre la lucidité de leur conscience éclairée et éclairante.CécileArtaud/Van Gogh/Kane sont semblables en la traversée de leurs souffrances du social dans le mental, ainsi que du travail de conscience qui s’y connecte jusqu’au dépassement du corps de chair. Semblables également dans l’incompréhension et le non- recevoir de ces souffrances et de leurs lucidités par le corps social,médical...; parfois même dans la violence de leurs diagnostics et de leurs traitements.C’est donc par le renversement du faire de leurs productions créatrices, qu’ils vont s’unir pour résister à la destruction programmée de leur être (donc du vivre) et des révélations de vérités qui y sont connectées. Dans cette
résistance vers le plus de vie, ils créent leurs propres langages de mots et d’images afin de donner consistance non plus à leur corps de chair mais à leur corps de conscience.
MOT - IMAGE - CORPS vers un nouveau langage
La création de nouveaux langages explorés par Antonin Artaud et Sarah Kane va au-delà des normes de compréhension habituelles et plonge dans l'essence de l'expérience humaine, là où les mots oscillent entre l'expression et l'inexprimable.
Dans les écrits d'Antonin Artaud, le langage devient un domaine étrange où la signification échappe à toute saisie facile. Pour lui, la poésie anarchique est une libération des contraintes habituelles du langage, une exploration des distorsions et des ruptures de sens, révélant ainsi les failles du système social et ouvrant la voie à une nouvelle réalité.
Dans "Van Gogh le suicidé de la société”, le style d'Antonin Artaud se caractérise par une fluidité chaotique, un flot de conscience qui semble couler sans interruption malgré les divisions en alinéas et les espaces blancs. Ce style fragmenté reflète les soubresauts d'une pensée à la fois intense et instable, rappelant les traits discontinus des dessins de Van Gogh, où l'ordre tente d'émerger du chaos. Ainsi, le style d'Artaud est une exploration tumultueuse et complexe de la langue, où les frontières entre l'ordre et le chaos, la raison et la folie, sont constamment remises en question.
Dans ses correspondances avec Jacques Rivière, Artaud exprime sa souffrance face à une terrible maladie de l'esprit qui l'envahit, lui laissant peu à peu sans pensée. Cette maladie affecte non seulement sa capacité de penser, mais aussi la matérialisation de ses pensées en mots. Ainsi, ses écrits témoignent de la profonde douleur qu'il ressent face à son existence. On peut observer cette désertion de la pensée à travers les tournures et expressions imparfaites, ainsi que les images imparfaites présentes chez Antonin Artaud. Ces mots et ces images ont été d'abord ressentis dans son propre corps avant d'être mis sur le papier, ce qui représente une tentative de donner corps à sa souffrance. Cette démarche artistique unit les mots, les images et le corps, fusionnant ainsi l'œuvre de l'artiste avec son être même.
Dans le théâtre de la cruauté d’Artaud le langage devient une incantation, une action sur le réel, plutôt qu'une simple imitation. Artaud explore également la transformation du corps et de son image sur scène. Cette transformation implique une refonte des rapports entre les corps, les images et les mots, ainsi qu'une remise en question de l'ordre social basé sur des jugements moraux. Il dit que c’est le langage pour les sourds, donc, langage corporel, vivant. Qu’il faut sentir plutôt qu’entendre. Il vise à réveiller les sens du spectateur, à le confronter à une expérience physique et émotionnelle intense. Pour Artaud, le théâtre doit être un lieu de catharsis où le corps du spectateur est engagé pleinement dans l'action dramatique, transcendant ainsi les barrières de la rationalité pour atteindre une vérité plus profonde et primordiale. Dans cette perspective, le théâtre devient un rituel de purification où le corps est au centre de la représentation, libéré des contraintes de la pensée rationnelle pour explorer les profondeurs de l’être.
Sarah Kane, quant à elle, s'inscrit dans la perspective d'Artaud selon laquelle le langage agit comme un outil performatif. Dans sa pièce "4.48", constituée de 24 fragments distincts, tous des monologues, les cicatrices du corps se manifestent à travers la structure du texte, sa syntaxe, des espaces blancs typographiques, une absence de parole par moments, des séries de mots et de chiffres. Dans cette œuvre, le corps n'est visible qu’à travers le langage car la mise en scène de la pièce fait oublier ce corps qui reste immobile. Plus la pièce se déroule, plus les silences se font présent, et plus le corps disparait, annoncant une future absence de son corps bientôt disparu.
Par ailleurs, Kane évoque une vérité difficile à saisir avec les mots habituels, une vérité sur la vie confrontée à sa propre fin. Dans ses œuvres, la figuration poétique devient le moyen d'exprimer cette vérité inaccessible avec le langage ordinaire. Kane utilise le langage courant pour façonner une forme nouvelle, originale, révélant ainsi les limites de la communication conventionnelle face à l'expérience humaine la plus profonde. Dans ses œuvres, elle explore les profondeurs du langage pour exprimer ce qui était irreprésentable à son époque, notamment à travers la création du néologisme "hermself", fusion de "her" et "him"self. Ce terme peut être interprété comme une tentative de donner forme à des concepts tels que l'hermaphrodisme, l'intersexualité ou la transidentité, reflétant ainsi la complexité de l'identité humaine. Elle manifeste une volonté de se définir au-delà des contraintes imposées par le langage binaire traditionnel (masculin/féminin) et d'explorer de nouvelles formes d'expression qui intègrent étroitement le langage au corps. (“How can I return to form Now my formal thought has gone?”)
Ainsi, les néologismes chez Sarah Kane ne sont pas simplement des mots inventés, mais plutôt des outils poétiques et artistiques qui permettent d'approcher une vérité existentielle profonde et de repousser les frontières de la communication.
Dans les pièces de Sarah Kane le corps est souvent mis à nu, littéralement et métaphoriquement. Elle dépeint des tableaux d'une violence crue, révélant ainsi sa propre souffrance existentielle. Elle met en scène ses angoisses, rages de violence, de torture, de colère, de corps androgynes et mutilés. Ces représentations s'expriment à travers le langage, les mots, car sur scène, son corps est souvent le seul décor.
Le corps joue un rôle central dans le vécu personnel de Sarah Kane. Elle ne se sent pas en phase avec les normes de genre qui lui sont imposées par la société. Elle est confrontée à des moments où elle est genrée au féminin, alors que ses sensations corporelles ne correspondent pas à cette assignation de genre. Cela la pousse à incorporer la haine de son corps. Elle écrit (je cite) : « Je suis grosse » ; « Mes hanches sont trop fortes / J’ai horreur de mes organes génitaux » ; « Vous croyez qu’il est possible de naître dans le mauvais corps ? », démontrant une haine profonde de son corps.
On retrouve donc un nouage mot-image-corps qui renvoie à la notion de poussée contraire : Sarah Kane éprouvait des sensations corporelles qui ne correspondaient pas à son genre de naissance ni à l'image que la société lui renvoyait. L'absence de partage de cette forme-valeur dans le rapport entraîne des incompréhensions au sein du groupe social, allant même jusqu’au meurtre social. C’est ce qui a pu être à l’origine des épisodes dépressifs et du suicide de Kane.
Dans leurs univers artistiques respectifs, Artaud et Kane partagent une sensibilité à la douleur de l'existence, une conscience aiguë des lacunes du langage et un désir de
dépasser les limites de la communication conventionnelle. Leurs explorations créatives nous invitent à repenser le langage, à le voir non seulement comme un moyen de communication, mais aussi comme un outil de création, de transformation et de révélation des vérités les plus profondes.
Alors que les écrits d'Artaud et de Kane ont métamorphosé le langage, les œuvres picturales de Van Gogh ont altéré notre perception du monde à travers l'image qui, selon les mots d’Artaud « crève l’œil » de celui qui la regarde. Si Artaud et Kane étaient à la recherche du mot pur et épuré, Van Gogh,lui, travaillait à découvrir la couleur pure et notamment le jaune pur.
Dans ses lettres à son frère Théo, Van Gogh expliquait que pour lui, les sons avaient des couleurs, et particulièrement certaines couleurs comme le jaune et le bleu que l’on retrouve dans ses toiles de Tournesol et de Nuit étoilée sont remplies de vibrations, mouvements et vie. Cette étrangeté neurologique (aucune pathologie) se retrouve chez de nombreux artistes selon le type : Graphème-Couleur dans le poème d’Arthur Rimbaud “Voyelles” dont le premier vers est : «A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles», ou Vassily Kandinsky associant le son à la couleur dans ses titres de tableaux (“Accords opposés - Gegenklânge), l’oeuvre d’art devant exprimer un équilibre de tensions pour produire un “son maximal”
Les contraintes par le corps :
Sarah Kane est en proie à des contraintes corporelles et sociales qui ont laissé des cicatrices profondes, dont l'origine exacte demeure floue. Certains auteurs ont évoqué des soupçons d'inceste de la part de son frère et de son père, ce qui aurait pu contribuer à l’emmener du côté du délire et de la dépression. Dans ses œuvres, l'automutilation et la dysphorie de genre reviennent de manière récurrente, témoignant de la lutte intérieure de Kane pour concilier son corps et son esprit. Elle exprime d’ailleurs que selon elle, la folie découle de la rupture entre le corps physique et la conscience psychique, et je cite « « la seule façon de retrouver une forme quelconque de santé mentale est de parvenir à l’union entre notre être physique et notre être affectif, spirituel et mental. » Parfois cette union trouve son apogée dans le suicide.
Antonin Artaud est aussi connu pour ses critiques à l'égard de la psychiatrie de son époque. Il dit : « s'il n'y avait pas eu de médecins, il n'y aurait pas eu de malades, car c'est par les médecins et non les malades que la société a commencé ». Il croyait que la société imposait des normes et des structures qui aliènent les individus, limitant ainsi leur pleine expression et leur expérience de la vie. Dans cette perspective, le corps devient un lieu de contraintes imposées par les conventions sociales, les institutions médicales et les normes culturelles. Il croyait que les médecins et les institutions psychiatriques exerçaient un contrôle excessif sur les corps et les esprits des patients, les enfermant dans des catégories diagnostiques et les soumettant à des traitements qui les réduisaient à des objets de manipulation. Artaud lui-même a été confronté à des traitements tels que les électrochocs qui ont eu un impact profond sur son corps et son esprit. Pour Artaud, ces traitements ont été des formes de violence physique et psychologique qui lui ont “enlevé sa pensée”, les “techniques thérapeutiques de la mort lente” qui “vide les hommes de leur moi”.
Artaud a également abordé le concept de « corps sans organes », une notion développée ultérieurement par le philosophe Gilles Deleuze et le psychanalyste Félix Guattari. Artaud écrit dans Les Tarahumaras, que « la conscience sait ce qui est bon pour elle et ce qui ne lui vaut rien". Le corps sans organes représente un état de libération où les structures sociales et les normes culturelles n'imposent plus de limitations sur l'individu. C'est un état où le corps retrouve sa pleine capacité d'expression et d'expérience, affranchi des contraintes imposées par la société et les institutions.
Ce sont bien ces contraintes qui font violence aux êtres et finissent par les nier, leur signifiant qu'ils n'ont pas leur place au sein de la société , les rendant inexistant en les cantonnant dans des institutions spécialisées; elles participent ainsi au suicide de l'être, d'où le titre de l'ouvrage -hommage sur Van Gogh d' Antonin Artaud " Van Gogh, le suicidé de la société”.
Les traitements psychiatriques traditionnels, tels que l'électrochoc, sont perçus par Artaud comme des tentatives de réorganiser le corps selon les normes sociales établies, plutôt que de permettre une exploration authentique de l'expérience humaine. Il écrit dans “Van Gogh, le suicidé de la société” que son psychiatre voulait “redresser sa poésie”. Artaud critique ainsi la médicalisation excessive des troubles mentaux, soulignant que cette approche réduit la complexité de l'individu à une série de symptômes à traiter.
En remettant en question le rôle des médecins dans la création et la perpétuation de la maladie mentale, Artaud invite à repenser les paradigmes de la santé mentale et à envisager des approches plus holistiques qui reconnaissent l'interaction complexe entre les individus et la société.
Traumatismes institutionnels :
Dans la pièce 4.48 Psychose, l’autrice souligne des traumatismes institutionnels. Elle écrit « Ce n’était pas pour longtemps, je n’étais pas là pour longtemps. Mais en buvant un café bien noir bien amer je la retrouve cette odeur d’hôpital dans un nuage de vieux tabac et quelque chose me touche à l’endroit où ça sanglote encore ».
Nous retrouvons des violences à travers l’indifférence médicale « Une chambrée de visages inexpressifs qui ouvrent des yeux vides sur ma souffrance, si dépourvus de signification qu’il doit y avoir là une intention malveillante » et à travers également une culpabilisation du patient « – Ce n’est pas votre faute. / – JE SAIS. / – Mais vous l’autorisez. / Silence. / – Il n’y a pas une drogue sur terre qui puisse donner du sens à la vie. / – Vous autorisez ce non-sens désespérant ». Par ailleurs, Kane est aussi victime d’une forme de condescendance autoritaire de la part des médecins “Médecins impénétrables, médecins raisonnables, médecins excentriques, médecins qu’on prendrait pour des putains de patients si on ne vous prouvait pas le contraire, et qui posent les mêmes questions, parlent à ma place, proposent des remèdes chimiques contre l’angoisse congénitale et se protègent mutuellement leurs arrières de merde.”
Valeur d’expression du délire chez l’aliéné authentique.
De manière générale, le délire n’a pour fonction que d’éviter plus grave que le délire (vision déficitaire), c’est une compensation par rapport au pire (vision psychanalyse traditionnelle). Cependant, le délire est aussi un message à entendre et à décoder. Il représente une tentative d'élaboration et de recherche de sens face à des expériences traumatiques vécues. Étant donné que les traumatismes sont souvent de nature sociale, il est primordial de reconnaître l'impact de la culture et du contexte social sur la formation des schèmes de perception, d'interprétation et d'interaction qui sous-tendent les délires. Les réalités individuelles prennent forme à travers les interactions sociales.
Ainsi, dans le cadre de l’accompagnement des personnes qui ont des délires, il est crucial de comprendre la complexité de l'interaction entre la vie sociale et les particularités personnelles. Cette dialectique entre l'universel et le particulier souligne l'importance du contexte social dans la manifestation et la compréhension des délires.
Face à un délire qui confronte souvent à l'inconnu et suscite un sentiment d'impuissance, quelles sont nos options? Devrions-nous ignorer le délire de peur de le renforcer par le dialogue, le rationaliser comme une simple "déficience", ou plutôt l'écouter attentivement, chercher à établir des liens avec le vécu de la personne et les valeurs qui lui ont été transmises ?Où comme à l’Apps chercher à mettre au jour les pulsions contraires à l’oeuvre dans le délire de la personne?
Selon le Dr Hervé Hubert et l'APPS, le délire trouve son origine dans des poussées contraires. Il est primordial pour nous d'écouter le récit historique de la personne, mais également de prendre en considération les réalités concrètes qu'elle vit au quotidien, notamment les menaces sociales qu'elle peut ressentir. L’outil de forme-valeur “mot-image-corps” peut permettre de saisir le drame vécu par la personne. Ces formes de valeurs contradictoires devraient être abordées avec les personnes en situation de délire.
Le délire est une tentative pour la personne de donner un sens à ses perceptions sensorielles, en s'appuyant sur des normes culturelles, économiques, sociales, politiques, etc. Cela peut se manifester à travers des hallucinations auditives verbales (mots), visuelles (images) ou kinesthésiques (sensations corporelles).
Il est essentiel de repérer la logique sous-jacente aux expressions délirantes et de détecter les poussées contraires qui peuvent évoluer vers des antagonismes, car ce sont eux qui peuvent conduire à des comportements destructeurs, voire au suicide. Toutefois, il est important de reconnaître que mettre en lumière ces contradictions peut être très douloureux pour la personne concernée. Par conséquent, respecter le rythme propre à chaque individu revêt une importance capitale dans le processus d'accompagnement.
CONCLUSION
Si aujourd’hui encore les protocoles médicaux et certaines approches thérapeutiques visent à effacer le délire en en refusant la forme valeur expression dont il est porteur par les pulsions contraires et parfois même à transformer celles-ci en pulsions antagonistes privant la personne d’un plus de vie pouvant alors nourrir le passage à l’acte ou raptus suicidaire; il
serait nécessaire d’introduire une autre pratique. Autre approche psychothérapeutique déjà signalée par les recherches et ouvrages de Françoise SIRONI1 sur les traumas intentionnels par maltraitance théorique (idéologique) ou/et pratique comme violences collectives, rappelant que certains troubles n’ont pas toujours leur origine dans la vie intrapsychique mais dans le contexte interrelationnel,social,géopolitique... car “un individu seul,ça n’existe pas”(Dr Hervé Hubert) mais toujours dans un rapport,et il convient d’analyser ce rapport.
Cette “psychologie concrète” initiée par Georges Politzer, appelée des voeux de Françoise Sironi,est déjà au travail avec l’Analyse Pratique Psycho Sociale. Comme le démontre la base du “Pratico Pratique”des APPS avec sa boussole des formes valeurs et de leurs connexions Mot-Image-Corps, où le délire n’est plus alors tabou et stigmatisé, mais accueilli comme production et valeur d’expression dynamique, logique des poussées contraires de la personne ; où la souffrance du social dans le mental, expression de la meurtrissure vécue, est le primat de l’accompagnement thérapeutique à la personne.
Gageons ainsi que certains artistes comme Antonin Artaud/ Vincent Van Gogh/ Sarah Kane ont créé cette ouverture,cette brèche dans le dogmatisme institutionnel et institué (pour ne pas dire obscurantisme) sur le délire et la notion même de folie, pour que chaque vie ne soit plus inexistante.Ils l’ont fait par le don/sacrifice de leur corps de chair pour que subsiste leur corps de conscience au travers des productions de leur art portant la signature de leur extrême lucidité.
Alain Charreyron, Claire Cesareo, Cecile Tranier, Gyté Skirkaité
BIBLIOGRAPHIE:
Andoka, F. (2013). QU’EST-CE QU’UN CORPS SANS ORGANES ? Philosophique, 16, Article 16. https://doi.org/10.4000/philosophique.838
Antonin ARTAUD: -“ Van Gogh le suicidé de la société” Edt ALLIA 2019- “50 dessins pour assassiner la Magie” Edt GALLIMARD 2004
1 Françoise SIRONI “Psychopathologie des violences collectives” Edt Odile JACOB 2007p:41”La non-reconnaissance, par le clinicien, de l’existence d’un traumatisme intentionnel peut engendrer d’authentiques paranoïas réactionnelles ou iatrogènes.Nous sommes alors face à des situations de maltraitance par les théories et par les pratiques.Tel est le cas lorsque les cliniciens se montrent excessivement dogmatiques à vouloir maintenir “la bienveillante neutralité”,la règle des 45 minutes de séance,et le “parlez,je vous écoute”.”
Correspondance d’Antonin Artaud avec Jacques Rivière, publiée au début durecueil L’Ombilic des limbes (Gallimard, 1927) ; lettre du 6 juin 1924Les malades et les médecins, écrit et dit par Antonin Artaud dans l’émission radiophonique, 8 juin 1946 (extrait). © INA https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-chemins-de-la-philosophie/antonin-arta ud-le-momo-5814727
Antonin ARTAUD – Témoignages (DOCUMENTAIRE with english subtitles, 1993)
Hervé Hubert - Enregistrement vidéo “Les formes valeurs chez Antonin Artaud” https://www.analyse-pratique-psycho-sociale.com/single-post/les-formes-valeurs-chez-antoni n-artaud
https://hubertherve75.over-blog.com/2021/09/aimez-moi-ou-tuez-moi.htmlIngo F. Walther : Le Musée du Monde, Van Gogh. Série 4, numéro 8 – 14 Janvier 2006
Kane, S. (s. d.). 4.48 Psychose. Consulté 27 mars 2024, à l’adresse https://www.babelio.com/livres/Kane-448-Psychose/17815
Françoise SIRONI ” Psychopathologie des violences collectives” Edt Odile JACOB 2007
Van Gogh/Artaud : “Le suicidé de la société” Exposition au Musée d’Orsay du 11 Mars au 6 Juillet 2014”
https://nospensees.fr/vincent-van-gogh-et-le-pouvoir-de-la-synesthesie-dans-lart/ https://www.beauxarts.com/grand-format/letrange-super-pouvoir-de-la-synesthesie-entre-art- et-science/
Yaghoubi, A. (2018). Identité liminaire dans « 4.48 psychose » de Sarah Kane. Une lecture Queer. Captures.
https://revuecaptures.org/article-dune-publication/identit%C3%A9-liminaire-dans-%C2 %AB448-psychose%C2%BB-de-sarah-kane
Illustration : ©Van Gogh
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