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À propos de Mao et des contradictions




Mao est un grand homme, si ce qui importe est transformer le monde, il l’a fait. Comme nombreux auteurs mentionnés aujourd’hui, il s’est nourri du marxisme. Et il a conduit le peuple chinois à renverser la monarchie en appliquant habilement la théorie aux situations concrètes.

En même temps, Mao est un homme très contradictoire. Jean-Luc Godard plaisante dans Prénom Carmen en disant que Mao Zedong est un bon cuisiner parce qu'il a nourri toute la Chine, ce qui est vrai dans un certain sens. Mais d'un autre côté, à cause de ses erreurs, on peut dire que des dizaines de millions de personnes sont mortes des suites directes de la Grande Famine chinoise (1959-1961). En lui, nous pouvons voir les poussées contraires et les contradictions s'incarner pleinement. C'est pourquoi Mao est un excellent exemple pour illustrer l'universalité des contradictions, comme chacun d'entre nous.

Mao est né le 26 décembre 1893 dans une famille paysanne du centre-sud de la Chine, à une époque où la Chine, un empire, s'appelait encore la dynastie Qing. Son père était issu d'un milieu pauvre, mais grâce à ses propres efforts, il a amassé une certaine richesse et acquis des terres. Le père de Mao veut que son fils devienne un homme comme lui, qu'il travaille dur, qu'il achète plus de terres et qu'il économise plus d'argent. Mais c'est une valeur imposée par son père, et sa poussée contraire l'a conduit dans l'autre direction : le renversement complet de la classe à laquelle appartenait son père. Nous pouvons constater sa valeur lors d'un événement clé.

Lorsque Mao avait sept ans, son père a tenté d'acheter la terre dont dépendait son cousin. Pour un paysan, cela signifiait qu'il n'aurait plus aucune source de revenus pour le reste de sa vie. Mao et sa mère s'y opposaient, estimant que le père de Mao devrait aider son cousin au lieu de profiter de la situation. Mais l'objection est restée sans effet parce que le père de Mao l'a considérée comme acquise.

Mao Zedong l’a mentionné à plusieurs reprises par la suite, par exemple, en disant à son cousin : « Le type de propriété privée de l'ancienne société fait que les frères ne s'aiment pas. Mon père et ton père sont cousins, mais quand il veut acheter les sept acres de terre de ta famille, il ne s'intéresse qu'à sa propre richesse, il n'y a pas d'amour fraternel, toutes les persuasions ne sont pas écoutées. Plus tard, j'ai réfléchi à ces choses et j'ai réalisé qu'il ne s'agissait pas seulement d'un problème personnel et familial, mais aussi d'un problème du système social ; j'ai compris que seule une transformation complète de la société pourrait mettre fin à ce genre de choses, et j'ai décidé de chercher un moyen de sauver les paysans pauvres. »

Il n'est pas difficile de voir que, bien qu'il n'ait pas utilisé ce terme, Mao a réalisé, dans une certaine mesure, que nombre de nos idées et de nos valeurs pénètrent dans notre tête par le biais du transfert social. C'est pour cette raison que ses valeurs ont été transformées pour créer une nouvelle société.

Bien entendu, il s'agit de la plus grande poussée contraire de sa vie. Mais en détail, sur le plan idéologique, Mao a également connu de nombreuses transitions. Il commence par étudier le confucianisme, comme tous les Chinois, il ne rejette pas mais n'approuve pas non plus. Plus tard, il devient un partisan de la réforme plutôt que de la révolution, comme la réforme des Cent Jours, afin que la Chine adopte une monarchie constitutionnelle comme celle du Japon. Il se tourne alors vers la révolution démocratique, mais ne veut pas d'effusion de sang et estime que la révolution honorable est idéale.

Ces changements contradictoires sont un peu comme les transformations dramatiques de l'adolescence. Parce que, finalement, il se tourne vers le communisme et la révolution prolétarienne à l'âge de 28 ans et y reste jusqu'à sa mort. Cet article, écrit en 1935, dans le processus de réalisation de ses propres idéaux, peut être considéré comme un aperçu de son exploration pratique de la théorie marxienne.

Pour Althusser, De la contradiction marque une rupture entre le marxisme et Hegel. Bien que Marx se soit considéré comme un élève de Hegel, ce dernier n'est pratiquement jamais mentionné dans les écrits de Mao, si ce n'est comme un exemple négatif. Mao a également complètement ignoré « la négation de la négation », l'héritage le plus évident de la Logique de Hegel dans le marxisme officiel. Et même dans l'éducation chinoise actuelle, Hegel est également une image négative, représentant le faux idéalisme.

Il semble que Mao ait intentionnellement ignoré la partie purement philosophique de la théorie de Marx et s’est concentré uniquement sur la partie qui pouvait guider la pratique. Mao est peut-être un philosophe, mais il est surtout un praticien, c'est pour cette raison qu'il y a beaucoup d'exemples dans les écrits de Mao. Avec les théories de Marx, il faut encore un peu d'ingéniosité, de créativité pour les intégrer dans la pratique clinique, comme l'a fait Dr. Hubert. Je crois que beaucoup de gens sont un peu étonnés d’apprendre que nous pouvons prendre Marx comme un outil pour notre pratique clinique. Mais dans ce texte, de la contradiction, nous verrons très clairement comment ces théories peuvent lier à notre pratique clinique.

Le terme chinois pour « contradiction » se compose de deux caractères : « mao » qui signifie lance et « dun » qui veut dire bouclier. Il vient d'une histoire chinoise du 3e siècle, dans laquelle un marchand vendait des lances et des boucliers. Il se vantait que sa lance était la meilleure, capable de percer n'importe quel bouclier, et que son bouclier était le plus solide, impossible à percer. Lorsque quelqu’un lui demandait ce qui se passerait si on utilisait sa lance pour attaquer son bouclier, il était incapable de répondre. Il s'est retrouvé face à une contradiction.

Cette expression est vive, mais elle ne reflète que le niveau le plus superficiel de la contradiction ; après tout, s'il est si simple, il ne peut pas être l'un des trois axes principaux de notre analyse pratique psycho-sociale, avec la valeur et la poussée contraire. Ainsi, dans cet article de Mao Zedong, nous allons découvrir les significations profondes et complexes du terme « contradiction », englobant son universalité, sa spécificité, et même son identité, etc.



Tianhang TAN



Illustration : ©NADIA LÉGER

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