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UN NOUVEL OUTIL POUR TRAVAILLER LA SANTÉ DANS LE MENTAL


La question de la santé mentale a suscité différents paradigmes organisant les pratiques en psychiatrie et en psychologie.


Si nous reprenons l’histoire, nous trouvons deux grands paradigmes qui ont orienté les pratiques. Tout d’abord évoquons le paradigme du trépied « Névrose, Psychose et Perversion » qui date de la moitié du XIXème siècle mais fleurit toujours de nos jours.

Le terme de Psychose par exemple a été inventé par le baron Ernst von Feuchsterleben en 1845. désignant ainsi de façon générale l’aliénation mentale. De même Névrose désigne pour Pinel en 1785, après l’écossais Cullen en 1769, toute maladie du système nerveux sans lésion organique démontrable. Le terme de Perversion est beaucoup plus dynamique dans l’histoire. En effet il situe d’abord la problématique mentale en enjeux d’excès, d’exagération ou de défaut, d’insuffisance quant à un penchant normal. Puis ce concept bascule. Cette bascule est celle qui se produit vers le qualitatif avec la notion d’altération qualitative. Nous passons d’une dimension quantitative à une dimension qualitative. Il y a alors déviation qualitative par rapport à la normalité alors qu’avant il y avait un excès ou un défaut par rapport à la norme humaine. (1)


Dans ce cadre, si nous prenons le fondement de la civilisation dans son rapport au meurtre social, nous avons clairement un distinguo qui concerne le meurtre humain. Il y a d’abord la conception du meurtre comme graduation naturelle humaine quantitative, « Il y a dans l’homme une inclination qui va par gradation, depuis la simple indifférence à voir souffrir les animaux, et depuis le simple plaisir à voir tuer, jusqu’au désir le plus impérieux de tuer » note Le Gall . Ensuite il y a la bascule vers l’altération qualitative qui couvre l’horreur de la conception première évoquée et nous retrouvons la déviation par rapport à la norme, déviation qui se nomme aussi aberration ou perversion. Des trois mots déviation, aberration, perversion ce dernier a eu un destin particulier dans le domaine de la santé mentale.

Elle a le mérite d’introduire les renversements et poussées contraires que nous dévellopons à l'APPS, Analyse Pratique psycho-Sociale.

Je cite simplement cet exemple pour montrer toute la valeur morale de faute humaine qui est cachée derrière ces conceptions médicales dans l’histoire. La filiation théologique par rapport à la faute est claire, notamment la faute du meurtre ou de la mort dite naturelle.

Telle est la base du paradigme NPP, Névrose, Psychose et Perversion qu’il conviendrait de déployer plus avant dans un autre travail.

Cependant nous pouvons dire que l’essentiel en ce qui concerne notre propos est que différentes classifications en sont issues et ont nourri ce qui s’appelle toujours la nosographie. Freud s’est emparé de cette base et a tenté de la sortir de la gangue dans laquelle elle était prise. Cependant l’outil métaphysique qu’il utilisait ne pouvait produire le bond nécessaire pour en sortir. L’obstacle principal réside dans le concept d’inconscient sans lequel Freud aurait pu se diriger vers une psychanalyse concrète ainsi que Georges Politzer le souligne dès 1928 (2)

L’inconscient pathogène est la grande découverte qui va aliéner tout ce qui va se nourrir de NPP pour aboutir à une psycho-pathologisation des conduites humaines selon la norme oedipienne ou bien selon la norme du nom du Père par exemple. Même si ces exemples se modifient dans l’histoire psychanalytique, ils sont toujours nourris par la même matrice conservatrice, normalisante et à l'occasion répressive. La question transidentitaire aujourd'hui montre l'inadéquation psychanalytique à cette question. De même le préjugé déficitaire, qui n'est pas sans rappeler le débat quantitatif / qualitatif exposé précédemment, parasite toutes les autres problématiques notamment les questions portées par les personens délirantes, hallucinées, dépersonnalisées.

Pourquoi cet état de fait ? La réponse se situe dans l’évidence que cette base N,P,P suppose une entité psychique, un mental qui fonctionnerait tout seul, hors sol. Le système freudien ou lacanien fonctionne coupé de la vie sociale concrète, avec des concepts qui reposent sur un principe posé à la fois comme source de toute explication et comme réalité supérieure. La vie de la personne est transformée en concepts. Ce dernier point et la coupure avec la vie sociale expliquent le caractère ségrégatif de la psychanalyse, trait souligné Lacan en son temps qui n'en a cependant pas tiré les conséquences.

Le second paradigme majeur est le DSM qui présente le même trait de coupure avec la vie humaine sociale. Le DSM a été produit pour satisfaire avant tout les exigences des compagnies d'assurances privées qui voulaient quantifier de façon plus rapide et efficace les souffrances dans le mental. De même pour les objectifs concernant les exigences des laboratoires pharmaceutiques concernant les psychotropes. A ce sujet nous retrouvons les mêmes problématiques quantitatives et qualitatives issues des controverses théoriques du XIX ème siècle, soit la question de l'être humain déficitaire, question majeure qui a auguré la barbarie au XXème siècle.


Dans les deux paradigmes, le centre des préoccupations n'est pas la personne qui se plaint d'une souffrance dans le mental mais des principes extérieurs auxquels il convient d'obéir impérativement.

L'approche de psychothérapie concrète de l'APPS est autre, car basée sur le mouvement de la vie sociale dans laquelle est prise la personne concernée.

L'expérience de la vie sociale montre que toute personne humaine est agent, effet et produit des rapports sociaux, ce qui implique un rapport à la responsabilité personnelle et sociale bouleversé par rapport aux idées dominantes. Cela a beaucoup de conséquences dans le travail avec les victimes d'un traumatisme par exemple.


Toute pesonne est prise dans un transfert de valeurs materielles et historiques, valeurs qui se connectent aux mots, aux images et aux sensation de corps. Ces transferts de valeurs partent des conditions sociales.

Ces valeurs d'un mot, d'une image, d'une sensation de corps fonctionnent par rapport à un autre mot, une autre image, une autre sensation de corps et sont prises dans des transferts contradictoires, des poussées contraires qui organisent une logique qui se concrétise dans un faire. C'est à partir de là qu'un travail sur l'insu d'un faire peut se produire.

C'est ainsi en effet qu'un travail sur la souffrance dans le mental peut se faire selon le fait social qu'il il y a un transfert du social dans le mental.


Ce nouvel outil est universel pour tout type de souffrance psychique. Il est non ségrégatif puisque les concepts qu'il utilise sont communs à l'humanité et chacun peut s'en servir en vivant sa propre vie sociale avec ses valeurs concrètes, ses contradictions, son rapport aux connexions mots, images, corps.

Ce nouvel outil est à la source d'une psychothérapie concrète et d'une analyse pratique psycho-sociale qui rénovent l'approche conceptuelle et pratique en santé mentale : une nouvelle pratique non tutélaire est née permettant dans une perspective dialogue une prise en main des outils par la personne concernée par sa souffrance dans son mental.

Elle peut être aussi un apport non sectaire pour les différents courants qui existent en psychiatrie : orientation biologique, cognitivisme, systémie ou psychanalyse peuvent trouver des clés de compréhension nouvelles pour leurs pratiques. L'implication de notre théorie pratique en prévention des souffrances dans le mental est aussi évidente du fait du rôle social que nous mettons en avant : l'être humain est un être social.


Nous aurons occasion de revenir sur ces différents points dans les articles du Blog ainsi que lors de notre journée de travail du 5 avril 2023...


Hervé Hubert


  1. Voir à ce sujet l’article de Claude-Olivier Doron « La formation du concept psychiatrique de perversion au XIX ème siècle en France » Information Psychiatrique 2012/1 volume 88, pages 39 à 49

  2. Georges Politzer, Critique des fondements de la psychologie, 1928, Rider, Paris, puis PUF, 1967


Illustration : ©Varvara Stepanova

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