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Sur la route de Gramsci et Freire : « échanges actifs » et « maniement des échanges »...



Notre groupe a travaillé sur Gramsci et Freire et nous avons tenté de mettre leur pensée en relation avec les concepts que nous utilisons à l’APPS. Nous les avons mêlés en commun pour échanger avec vous ce qu’ils ont apporté à nos pratiques et ce que cela nous a fait découvrir ensemble. Lors de nos échanges, nous avons souhaité mettre en valeur le fait que ces auteurs et ces concepts nous ont inspirés. Leurs ouvrages ne sont pas pour nous de simples livres de recettes ou des manuels, mais des compagnons de route avec lesquels nous avons tracé un bout de chemin pour analyser et comprendre les personnes rencontrées dans notre pratique passée, actuelle et à venir...


Le texte qui suit résulte de la dynamique de nos échanges depuis deux mois. Une première connexion s’est faite entre nous, lors de l’exposé de Lydie et de Christine. Nous nous demandions alors : qu’est-ce que l’éducation populaire et l’éducation nouvelle peuvent apporter aux accompagnements APPS ?


Introduction et concepts


Nous nous sommes constitués en groupe de travail. Puis, l’arrivée de Yuying avec son travail sur Gramsci a été très enrichissante. À ce moment-là, le concept d’engagement s’est greffé aux rapports actifs qu’apportent l’éducation nouvelle et l’éducation populaire à nos accompagnements et pratiques en dehors du cabinet. Nous avons découvert des résonances entre les concepts et les histoires de vie d’Antonio Gramsci et de Paulo Freire avec celles des personnes que nous accompagnons. Surtout, ce sont ces histoires de vie et leurs contradictions qui nous ont inspirés pour ouvrir des possibles mouvements de vie : pour nous, avec celles et ceux que nous accompagnons.


Comme le dit Yuying, « la vie de Gramsci est trop grande ». Aussi grande que celle des personnes que nous accompagnons. Nous avons fait des choix des concepts et des moments forts des accompagnements. Ces choix ont été faits dans les connexions concrètes entre les histoires de ces personnes et les concepts que nous avons produits comme outils communs à l’APPS. Dans cette dynamique, nous avons produit de manière créatrice cette contribution pour de nouvelles pratiques entre humains. Le reste, ce sont les ouvertures possibles des choix que nous faisons. Comme la proposition de deux concepts au répertoire pratique de l’APPS : « échanges actifs » et « maniement des échanges ». Ce mouvement dynamique explique l’apparent décalage entre notre travail et le titre annoncé pour cette journée de travail. Nous prions votre indulgence pour ce décalage, cela s’est fait à notre insu.


Yuying


Antonio Gramsci (1891-1937) était un marxiste italien, homme politique, philosophe, théoricien de la culture, révolutionnaire et écrivain. Il était l’un des fondateurs du Parti communiste italien et en a été le premier secrétaire général. Son œuvre principale étant « Les Cahiers de prison », dans lesquels il a développé des concepts théoriques importants tels que l’hégémonie culturelle, la démocratie nationale, le matérialisme historique, la critique de l’idéologie, la révolution culturelle, etc., ayant un impact profond sur le développement et la diffusion du marxisme. Nous avons fait le choix de retenir le concept d’hégémonie culturelle. L’hégémonie culturelle de Gramsci touche du doigt et désigne la domination d’un groupe sur un autre en contrôlant les idées, croyances et valeurs de la société. Cette domination n’est pas exercée par la contrainte ou la violence, mais plutôt par des moyens culturels et idéologiques.


Le rôle de l’hégémonie culturelle est de faire accepter à la société les conceptions du monde de la classe dominante comme universelles et légitimes, en dissimulant les contradictions sociales et les inégalités, et en amenant la classe dominée à accepter et à adopter les intérêts et les valeurs de la classe dominante.


Gramsci soutient que l’hégémonie culturelle se propage et s’exerce à travers la superstructure sociale de la société. La superstructure désigne les aspects des sociétés qui sont politiques, juridiques, moraux, religieux, éducatifs, artistiques, entre autres. Ces aspects sont déterminés par les fondements économiques de la société, mais qui possèdent également une certaine autonomie relative et une rétroaction. Les diverses institutions sociales de la superstructure, telles que les écoles, les églises, les tribunaux, les médias ou autres sont les véhicules et les outils de l’hégémonie culturelle, leur rôle étant de socialiser les normes, les valeurs et les croyances de la classe dominante aux autres classes, influençant ainsi leurs comportements et attitudes.


Gramsci distingue deux types de superstructures : la société politique et la société civile. La société politique fait référence aux institutions coercitives de l’État telles que l’armée, la police, les tribunaux, etc., dont le rôle est de défendre les intérêts directs de la classe dominante en réprimant toute forme de résistance ou de dissidence par la violence ou la menace.


La société civile désigne les organisations non étatiques spontanées telles que les églises, les écoles, les syndicats, les partis politiques, les médias, etc., dont le rôle est de défendre les intérêts indirects de la classe dominante en façonnant la conscience et la culture des individus par l’éducation, la propagande, la persuasion, l’incitation, etc. Gramsci affirme que la société civile est le principal champ de bataille de l’hégémonie culturelle, car elle permet d’établir l’autorité et le leadership de la classe dominante dans l’esprit et la morale des individus, les incitant ainsi à obéir et à soutenir volontairement la classe dominante.


Christine


Paulo Freire était un philosophe, éducateur, homme politique, militant pour la liberté et auteur de plusieurs livres. Dans son ouvrage « La pédagogie des opprimés » Paulo Freire examine comment se mettent en place les rapports de domination. Il propose aussi des moyens pour y échapper. Freire nous explique que les opprimés « hébergent en eux l’oppresseur ». En élaborant une pédagogie avec les opprimés, ces derniers peuvent se séparer de l’ombre des oppresseurs et remplir ce vide par un contenu nouveau, une forme nouvelle, un nouveau projet.


Cette étape de prise de conscience pour permettre aux opprimés de surmonter leur peur de la liberté et ainsi les aider à s’échapper de la domestication réalisée par les rapports sociaux de domination. Paolo Freire nous décrit le rapport de domination entre oppresseurs/opprimés à l’aide de 4 concepts : la conception bancaire de l’éducation ; le rapport dialogique ; la conscientisation ; la situation limite. Il nous fait entendre le dépassement possible des rapports de domination, notamment par la « conscientisation » et le rapport « dialogique ».


Freire nous explique que la pratique de l’éducation remplit « l’élève de contenus de narration. L’éducation devient un acte de dépôt ». Selon le concept de pratique éducative bancaire, il y a ceux qui détiennent le savoir et les « ignorants ». Il n’y a pas de lien entre l’enseignement et la vie sociale de l’apprenant. Ceci entraîne un style d’apprentissage passif.


Paulo Freire relie cette forme d’éducation aux rapports opprimé/oppresseur. Dans cette dynamique bancaire, l’inhibition de la pensée et de l’action des hommes et des femmes les mènent à adopter une forme de servitude volontaire.


Pour Paulo Freire, le but de l’éducateur c’est de permettre à son interlocuteur « apprenant » de développer et d’apprendre avec lui les moyens de transformer le monde dans lequel il vit. Pour ce faire, il s’appuie sur une pratique éducative dialogique où les mots reflètent l’action, la réalité et la réflexion. Pour Freire « puisqu’elle est humaine, l’existence ne peut être muette ni se nourrir de fausses paroles ; exister humainement c’est prononcer le monde, le modifier ». Les outils que les oppresseurs utilisent sont appelés « actions anti-dialogiques » et les moyens par lesquels les opprimés peuvent les surmonter sont des « actions dialogiques ». Les quatre actions anti-dialogiques incluent la conquête, la manipulation, la division et l’invasion culturelle pour maintenir l’oppression et la fausse compassion.


Pour parvenir au but d’avancer vers plus d’humanisation, il est important de dépasser les « situations limites » dans lesquelles les êtres humains dominés se trouvent être « chosifiés ».


Freire donne à ce concept de « situation limite » une perspective politique essentiellement projective, de libération et chargée de potentialités de transformation sociale. Toujours à partir de la méthodologie de la conscientisation, Freire dit qu’il faut rendre compréhensible la réalité par l’analyse objective de celle-ci. Tout obstacle à vouloir s’engager dans cette démarche peut-être une « situation limite ». Le rôle de l’accompagnateur c’est de parvenir à comprendre comment les êtres humains pensent ces situations limites et de chercher à savoir quels sont les changements susceptibles de se produire en conscience pour chacun et pour un collectif.


Au moyen d’un accompagnement par le dialogue, il s’agira par exemple de comprendre les phénomènes de propagande et d’en saisir les effets. Le dépassement « des situations limites » vise à apprendre à savoir exercer un savoir critique en pensant les actions de la réalité dans leur globalité tout en considérant également les thématiques secondaires. La perception de la réalité en est renouvelée.


Pour Paolo Freire « La recherche thématique devient donc un effort commun de conscience de la réalité et de la conscience de soi-même qui l’inscrit comme point de départ du processus éducatif ou de l’action culturelle à caractère libérateur ».


Dans ce contexte, la conscientisation est également un concept et une méthodologie clé pour se libérer de l’oppression. Elle est définie comme un processus d’apprentissage collectif qui vise à faire émerger chez les personnes une réflexion critique à partir de la praxis. La conscientisation est une méthode pédagogique utilisée qui a ouvert de nombreuses voies possibles pour l’analyse des relations de dépendance, de situations conflictuelles entre leader et collectif, entre dominants et dominés, entre hommes et femmes.


Freire nous explique comment les éducateurs façonnent le monde avec les apprenants. L’approche dialogique met au point un dialogue actif, permettant aux apprenants et aux éducateurs de produire ensemble les nouvelles formes des rapports avec de nouvelles formes de contenus, libérés des rapports de domination. En articulant ces concepts, le projet de Freire est de lutter contre l’oppression et contre les inégalités. Il veut parvenir ainsi aux transformations possibles pour une société libérée de cette oppression et de ses effets néfastes.


Ces concepts de « conscientisation », « d’approche dialogique », « de situation limite », ainsi que la posture à l’égard du savoir (« nous apprenons avec les apprenants »), nous ont inspirés, autant pour l’élaboration de ce travail que pour les accompagnements en analyses pratiques psycho-sociales ou dans d’autres contextes, mais aussi pour l’analyse des parcours de vie historiquement exemplaires d’Antonio Gramsci et de Paulo Freire.


Cas concrets :


Yuying


Gramsci est né à Ales, en Sardaigne, dans une famille paysanne pauvre, et était le quatrième enfant. Il a souffert de malnutrition et de scoliose dès son plus jeune âge, ce qui a entraîné une petite taille et une santé fragile. Il a reçu une éducation dans les écoles primaires et secondaires locales, montrant des capacités intellectuelles et d’apprentissage exceptionnelles. En 1911, il a obtenu une bourse pour étudier la langue et la littérature à l’Université de Turin, mais a dû abandonner en 1915 en raison de difficultés financières et d’activités politiques.


En 1913, Gramsci a été exposé au mouvement socialiste à Turin et a rejoint le Parti socialiste italien, écrivant des articles pour des publications socialistes telles que le journal « Avanti ! » au début de la Première Guerre mondiale. Après la révolution d’Octobre en Russie en 1917, il est devenu un communiste convaincu, soutenant le leadership de Lénine et les actions des bolcheviks. En 1919, avec des camarades comme Togliatti, il a fondé le magazine « L’Ordine Nuovo », promouvant les idées socialistes, devenant lui-même une figure de proue du mouvement socialiste. En janvier 1921, lors d’un congrès du Parti socialiste italien, Gramsci et d’autres se sont séparés définitivement des réformistes et des modérés du parti pour fonder le Parti communiste italien.


De 1922 à 1923, Gramsci a vécu à Moscou en tant que représentant du PCI(Partito Comunista Italiano)au Comité exécutif de l’Internationale communiste. En 1924, il est retourné en Italie et a été élu au Parlement, mais en juin de la même année, les communistes ont quitté le Parlement avec d’autres groupes antifascistes. En janvier 1926, lors d’un congrès du PCI, Gramsci a proposé la formation d’un front uni pour restaurer la démocratie et résister au fascisme, ce qui a été largement soutenu par la majorité des membres du parti. En novembre 1926, le gouvernement fasciste italien a arrêté Gramsci, le condamnant à vingt ans de prison en juin de l’année suivante. Il a été emprisonné dans plusieurs villes et n’a été autorisé à écrire des lettres et à recevoir des livres que plus tard. Malgré de graves problèmes de santé dus à la torture physique et mentale, il a consacré le reste de sa vie à la lecture et à la rédaction de notes, qui ont abouti à ses deux volumes « Les Cahiers de prison ». À la fin de 1933, Gramsci a été temporairement libéré pour raisons de santé et a été hospitalisé jusqu’à son décès en avril 1937 dans un hôpital de Rome.


Même lorsqu’il était enfermé par les fascistes dans une cellule de pierre, Gramsci n’a pas cessé son travail acharné. Dans trente cahiers épais (pour un total de 2884 pages), il a concentré un immense héritage théorique. L’un des principaux défis pour Gramsci venait non seulement de l’examen des autorités carcérales, mais aussi de la menace réelle sur son travail. En écrivant, il devait éviter de susciter des soupçons chez les gardiens de prison quant aux objectifs politiques de ses notes et à leur utilisation potentielle par le Parti communiste pour des activités. Ainsi, Gramsci devait souvent éviter d’utiliser les termes marxistes courants et utiliser des termes spécifiques à la place, tels que « philosophie pratique » pour « matérialisme historique » ou « marxisme », « monarque moderne » pour « parti », « groupes sociaux » pour « classes », « pouvoir de l’État » pour « dictature du prolétariat », etc. Parfois, il devait même utiliser des pseudonymes à la place des vrais noms.


Le manque de références appropriées a également posé d’énormes difficultés. Gramsci n’avait pas accès de manière systématique et étendue aux publications bourgeoises. Sa « bibliothèque scientifique » dépendait principalement de son érudition exceptionnelle et de sa mémoire prodigieuse, et il avait peu de livres à lire en prison. Compte tenu des souffrances mentales et physiques extrêmes endurées par Gramsci dans les geôles fascistes, il est évident qu’il fallait une volonté d’acier et un courage héroïque et altruiste pour accomplir un tel travail vraiment difficile.


Christine


Paulo Freire est né à Récife, dans le Nordeste du Brésil, en 1921 au sein d’une famille de classe moyenne qui découvre la précarité à travers la crise des années 1930. Il perd son père à l’âge de 13 ans et fait très tôt l’expérience personnelle de la précarité économique, ce qui le marque durablement. Il dira : « Je suis né dans une famille de la classe moyenne ayant les moyens de vivre relativement bien. Lorsque j’ai eu huit ans, le Brésil a commencé à ressentir les répercussions de la crise de 1929 qui a particulièrement affecté ma famille. À mes onze ans, la situation de ma famille a empiré avec l’aggravation de la crise. J’ai eu mes premiers contacts avec les gamins de milieux populaires. J’ai eu mes premières expériences de classe sociale. Malgré ma situation difficile, j’ai eu plus de privilèges que mes camarades qui étaient fils d’ouvriers ou fils de paysans.


Par la suite, il poursuit des études dans des conditions difficiles, car devant aider sa famille. Il étudie le droit pour devenir avocat et donne des cours de portugais. En 1944 il épouse Elza Maria Oliveira et ils auront 5 enfants. L’une de leurs filles, Christina Heiniger-Freire, dira de sa mère : « Ma mère Elza est aussi née à Récife, mais en 1916, elle avait donc cinq années de plus que son père. Également issue de classe moyenne, mais qui n’a pas connu de difficultés économiques. Elle a fait d’études dans de bonnes écoles de Recife et s’est formée comme enseignante spécialisée en alphabétisation ». Nous apprendrons par sa fille que sa mère joue un rôle important dans la décision de Paulo Freire d’abandonner sa carrière d’avocat en 1947 et de commencer à travailler pour le SESI (service social de l’industrie), une organisation à but non lucratif qui propose des services dans le domaine de la santé, la culture et de l’éducation. Il est directeur du secteur Éducation et culture, juqu’en1957. Après cette expérience il enseigne la pédagogie à l’université de Récife et en 1959, il soutient sa thèse en philosophie de l’éducation intitulée « Educaçao e Atualidade Brasileira » (Éducation et actualités brésiliennes) qui donnera lieu à un livre en 1964 intitulé : « L’Éducation : pratique de la liberté ». Dès la sortie de l’enfance, il ressent un sentiment de révolte face à la pauvreté et à l’analphabétisme qui frappe les classes populaires. Adulte, il développe une méthode d’alphabétisation qui devient célèbre dans tout le pays. Il se voit chargé de mettre en place une campagne nationale d’alphabétisation. Celle-ci doit rapidement s’arrêter lorsque l’armée brésilienne prend le pouvoir en 1964. Le pouvoir militaire d’extrême droite entre en guerre contre les classes populaires et mène la chasse à tous ceux qu’il considère comme « subversifs ». Paulo Freire est arrêté, emprisonné, interrogé et expulsé du Brésil. Pendant son exil, il organise des campagnes d’alphabétisation dans plusieurs pays. C’est en 1968 au Chili qu’il écrit Pédagogie des opprimés. De 1970 à 1980, il vit en Suisse et parcourt le monde. Son travail influence de nombreux mouvements sociaux. Il entame ainsi une campagne d’alphabétisation en Guinée-Bissau en 1975 et publie un livre à partir de sa pratique.


Paulo Freire est de retour au Brésil en 1980 et reçoit la charge du secrétariat de l’éducation de la Ville de São Paulo en 1989. Il tente de développer une gestion démocratique des écoles, basée sur un principe de co-éducation entre familles et enseignants. Tout au long des années 1980 et 1990, il continue à transmettre à travers le monde et publie une trentaine d’ouvrages, dont la plupart ne sont pas publiés en français. Il meurt au Brésil en 1997.


L’élève


« Personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les humains s’éduquent ensemble, par l’intermédiaire du monde » (Paulo Freire). Je suis enseignante de lettres et d’histoire-géo. J’étais aussi professeure principale dans un lycée professionnel en banlieue parisienne. Ma mission était d’accompagner des jeunes peu enclins à se tourner vers les disciplines littéraires ou artistiques. Le travail d’équipe et pluridisciplinaire était important pour moi afin de rendre accessibles à l’élève les enseignements des matières générales et technologiques qui sont toujours divisés. J’avais aussi envie de découvrir les savoirs techniques enseignés dans ce lycée. Les échanges et le travail avec les collègues me furent très utiles pour accompagner mes élèves et leur redonner, parfois, le désir d’apprendre. Je me souviens des ateliers que j’ai initiés pour accompagner mes élèves dans leurs apprentissages. Lors de la présence de l’élève inattendu, j’ai souhaité organiser un atelier théâtre animé par des professionnels du théâtre ainsi qu’un atelier de lecture coordonné à la fréquentation du Salon du livre de Montreuil. Ces actions nous ont toujours rendus très fiers, élèves et enseignants. Il s’agissait de fabriquer un projet autour de l’élève par la pratique.


Il me semble, dans l’après-coup, qu’en apprenant avec mes collègues du secteur professionnel et de la pratique relationnelle avec les élèves, comme le dit Paulo Freire, j’ai enrichi ma pratique pédagogique en apprenant avec eux. C’était d’un tel intérêt que cela est venu nous donner l’occasion de créer des situations d’apprentissages nouvelles dans nos cours. Je vais échanger avec vous une histoire parmi ces occasions. Un élève qui m’a été présenté de manière inattendue. Le directeur du lycée et la directrice pédagogique m’ont « appelé ». J’ai ainsi rencontré une famille qui désirait inscrire leur fils au lycée en cours d’année. J’étais étonnée par cette inscription si tardive et, surtout, que la direction m’appelle soudainement un après-midi, alors que je donnais un cours. Dans mon souvenir, nous étions déjà après les vacances de la Toussaint. La direction souhaitait ma présence, car ils semblaient partagés, divisés, étant confrontés à une situation difficile. « Ça pousse d’un côté et ça pousse de l’autre ». Je me rends au bureau de la direction et mes élèves restent en compagnie du CPE. L’ordre venait d’être bousculé ce jour-là par l’arrivée de cet élève.


La famille est installée dans le bureau de la directrice. J’entrevois l’élève et j’entends la détresse des parents. J’aperçois à ce moment un jeune garçon tourmenté, très amaigri et des parents anéantis, désespérés. Ces derniers mois, leur fils a été systématiquement exclu de nombreux établissements. J’apprends que cet élève est suivi par un psychiatre et qu’il est sous médicaments. Les parents, qui ont deux enfants, ne comprennent pas l’attitude de leur fils. Le père est « décorateur artisan » et la mère est directrice d’un organisme de formation.


J’interroge l’élève sur ses motivations, mais il semble évasif et inquiet avec ses réponses. Il est agité et anormalement inquiet. Il n’est pas contestataire comme d’autres adolescents. Je ne sais que penser. Dans ce rapport avec ce jeune garçon, je me sens « convoquée »… car j’avais face à moi quelqu’un qui était meurtri socialement. J’ai accepté sa présence dans ma classe, donc au sein de l’établissement. Tout commence à ce moment-là. Je sais que je peux compter sur le travail en équipe pour élaborer et construire la suite. J’ai fait le pari de tenter de lui faire une place. Ça n’allait pas être si simple.


Il prend place difficilement au sein de la communauté éducative. Les autres élèves le trouvent étrange, isolé. Cet élève avait toujours besoin de la présence du professeur pour se tenir en présence de l’autre. Lors des échanges aux conseils de classe, j’apprends qu’il est un bon élève dans les enseignements scientifiques et techniques. Cependant, il ne sait toujours pas se mêler aux autres. Dans mes cours, c’est un brillant élève qui retrouve le goût de vivre. J’ai mis en place divers ateliers, favorisant le travail de groupe. Des comédiens animeront un atelier théâtre deux fois par mois. Il y apprendra à oser, à s’exprimer à sa manière et il découvrira que son style « maladroit » n’est pas dénué d’intérêt. Les comédiens seront satisfaits de son jeu d’acteur. Cette nouvelle appréciation l’aidera à se considérer davantage et à se revaloriser. Cette dynamique de travail l’amènera à tisser des liens avec les autres. Le nouage d’oser dire par la médiation d’un texte théâtral, mêlé à un corps qui s’anime dans le jeu théâtral, tout cela va lui permettre d’apprendre à se faire un corps et à se tenir face aux autres avec un peu plus d’assurance. Il sera enfin apprécié de ses camarades.


Dernier trimestre, c’est le moment de définir une orientation, un projet professionnel et de le valider à partir d’une expérience de trois semaines vécues en immersion dans une entreprise. Pour tous les autres élèves, la motivation est manifeste, mais pas pour notre élève. Il est considéré comme étant le meilleur de sa promotion, mais il ne parvient pas encore à définir un projet dans lequel il pourra s’inscrire. La communauté éducative s’interroge… s’inquiète… pour son avenir. L’inquiétude revient aussi pour les parents. Moment d’oscillation pour tous. Ça m’amène à réinterroger mon élève pour comprendre ses difficultés. Comment faire ?


Il est encore inhibé lorsqu’il doit réaliser des travaux à caractère technique. Il semble ne pas comprendre les codes sociaux du monde professionnel ; les procédures de sécurité, les différents marquages au sol, le maniement des outils. Tous mes collègues constatent des manques dans la réalisation de travaux manuels, car il ne parvient pas encore à mobiliser les gestes simples et les postures techniques qui sont attendus. En tant que professeur principal, j’organise une nouvelle réunion pour tenter d’élaborer une nouvelle stratégie d’accompagnement. Après réflexions avec mes collègues et accord de la directrice pédagogique, nous décidons de mettre en place un « contrat personnalisé ». Ce contrat engage l’élève à effectuer son stage pratique en alternance dans les ateliers du lycée et à se rendre dans une entreprise partenaire. Un stage encadré dans un calendrier et un emploi du temps définis tels qu’en entreprise. Dans ce cadre contractuel, l’évaluation sera faite à la fois par des professeurs du secteur professionnel et un professionnel de la société d’accueil. Pour la mise au point de l’aménagement de ce projet, nous avons dû obtenir l’avis favorable de l’administration académique.


Finalement, l’élève a validé son stage et il a obtenu son passage au niveau supérieur. Cette nouvelle forme de stage pratique sera retenue et reconduite pour quelques élèves après lui. Ces échanges actifs nous ont permis d’apprendre avec cet élève, et à savoir mettre au point parfois un nouveau dispositif d’apprentissage en tenant compte des contraintes scolaires et académiques. Les élèves grandissent et s’en vont. Nous ne voyons presque jamais les effets produits par notre travail. Cette histoire m’est souvent revenue en mémoire. Ce jeune garçon si perturbé dans sa période d’adolescence entraînant le désarroi de sa famille et parvenant à interroger une institution scolaire… à son insu. Un jour, je suis interpellée par un jeune homme dans un train de banlieue. Il était très allant, un peu gauche. Je ne le reconnais pas dans un premier temps. Il s’est écrié : « vous étiez ma professeure au collège ! ». Il avait grandi et son corps avait changé. J’étais étonnée. Je l’ai reconnu par « un je ne sais quoi » qui demeure toujours, son attitude un peu « décalée ». Il me raconte sa réussite qu’il est devenu ingénieur. Il me signifie qu’il est heureux de me revoir et le fait savoir aux autres voyageurs.


Alex


L’artiste


Un artiste en Allemagne souffrait il y a quelques années : Abandon ; divorce ; difficultés financières ; préjugés vis-à-vis de son métier et de vie sa vie d’artiste. Il m’a sollicité pour en parler. Je lui ai conseillé d’appeler une société psychanalytique en Allemagne. Il l’a fait. Il a été reçu en entretien et dirigé vers un psychanalyste. Ce dernier l’a référé à une stagiaire qui lui a posé une batterie des questions — sauf celles qui touchaient notre artiste allemand. Au sujet des stupéfiants, il a dit : oui, j’en ai utilisé. La thérapeute lui a dit de faire un test d’addictologie.


L’artiste a dit perplexe : « d’accord, mais je ne suis pas venu ici pour ça ». La psychologue lui répond : « je ne fais qu’appliquer la loi ». Il a fait ce test et la psy voulait le référer à un institut d’addictologie. Notre artiste allemand a remercié la thérapeute et il arrêta cette démarche. Il reprit son travail artistique et il continua à s’occuper de son enfant. Au fil des longues années, il souffrait moins mentalement et financièrement. Je pense à lui depuis 9 mois, en accompagnant une artiste qui souffrait. « Ça n’allait pas dans mon couple », disait-elle. Très rapidement, nous avons vu que sa souffrance se connectait aux préjugés du regard que ses parents transposaient sur sa vie d’artiste et sur sa vie en couple. Pour ses parents, le travail est une voie d’ascension sociale prenant forme par le bien-être matériel et financier. Comment peut-elle s’épanouir en tant qu’artiste, si elle a besoin d’être soutenue financièrement ? Ses parents disent : « cherche-toi un CDI » ; « son compagnon ne s’occupe pas bien d’elle » ; « regarde ta sœur, elle s’en sort » ; « on t’aide avec ton enfant ».


Elle a débuté sa vie d’artiste il y a 20 ans. D’abord, par les études. Plus tard, dans son atelier et par ses expos. Toujours dans le plaisir du partage de ses créations artistiques et de la fête, propre aux artistes de tous les pays. Nous avons aussi découvert que sa souffrance était liée aux jugements des regards portés par certains enseignants d’art, des journalistes des expos et des commanditaires.


« Je ne me sens pas reconnue à ma valeur d’artiste », se plaint-elle. Des enseignants et des journalistes lui ont fait des remarques à propos de ses sculptures du corps féminin : « faites du porno » ; « vos sculptures me font penser aux sex toys japonais ». Les commanditaires donnant des feux verts oraux pour des financements, mais ne signant les contrats que des mois après. Toujours dans une rude négociation, où les 25 à 30 000 euros récoltés en 4 ou 5 fois dans une bonne année lui font sentir que c’est fort peu. Vu le temps et les frais réels qu’elle a investis pour ces projets.


Paradoxalement, malgré la dureté des préjugés familiaux et professionnels, l’artiste y trouve un grand plaisir dans les effets produits par ses œuvres créatrices. À l’instar des félicitations reçues des membres du jury, quand elle a eu son diplôme dans une salle d’exposition avec d’autres objets d’art. Elle a présenté une œuvre filmique avec un son qui a fait « vibrer tous ces objets délicats dans cette salle, rien n’a été cassé ».


Quelque chose de plus obscur allait s’éclaircir avec l’artiste. Au troisième mois de nos échanges, elle a apporté le fait qu’elle utilise des stupéfiants. Elle disait vouloir arrêter de fumer des cigarettes, à l’aube de ses 40 ans : « ça abime la peau ». En réalité, elle voulait « arrêter avec les stupéfiants », mais elle dit : « j’en ai envie quand ça va bien ».


Durant un mois et demi, un rapport obscurantiste et moraliste s’est installé entre l’artiste et moi. Nous l’avons tous les deux ressenti et nous avons mutuellement libéré nos paroles à ce sujet. Je lui ai dit : « j’ai l’impression d’être le prêtre auprès duquel la jolie jeune femme avoue ses péchés ». Elle m’a dit : « j’ai l’impression d’être face à mon père à qui je rends des comptes par rapport à la drogue ». Nous avons travaillé par un échange actif cette question de son rapport face à une figure d’autorité. L’artiste a commencé ainsi à m’apprendre à échapper aux pièges moralisants qui peuvent se produire dans un rapport à l’autorité qui « applique la loi ». Ce premier échange fort et actif avec l’artiste nous a permis de poser en commun des bases pour l’accompagner dans la production des mouvements de vie pour elle-même et pour les siens : l’autonomie et la responsabilité.


La responsabilité place l’artiste avec réalisme comme un agent, un effet et un produit dans ses rapports avec les autres en tant qu’artiste, mère, compagne, sœur, fille et amie des autres personnes. L’autonomie lui permet de se reconnecter aux autres dans ce rapport de responsabilité commune dans les situations qu’elle vit. Sur les bases de son histoire, nous avons découvert qu’il y a trois grands anneaux qui ont de la valeur pour sa vie et qui forment une chaine d’ordre et de désordre dans sa vie :


Argent/Travail/Plaisir


Cette chaine nous a ouvert des possibles pour dépasser le rapport moraliste et d’autorité qui s’était installé entre nous. Ces anneaux nous ont aussi permis de commencer à repérer les + et les — portés par chaque anneau. Ainsi, la gestion de ses poussées contraires de plus et de moins connectées à l’argent, au travail et à son plaisir ont pu être envisagées comme des choses qui se gèrent et non qui se contrôlent. Ceci a permis de débloquer le dialogue entre elle et ses parents et entre ses parents et son compagnon. Cela lui a aussi permis de réguler les plaisirs de la fête qui peuvent détruire, comme les stupéfiants et l’alcool.


En effet, l’anneau qui tient la chaine de sa gestion est le travail. Étant dans une bonne année de récolte, elle y investit beaucoup d’énergie dans son travail artistique. Cela produit plus d’argent et lui permet de trouver la bonne dose de plaisir dans la fête. Il nous est désormais possible de nous aventurer dans les formes et les doses de ses investissements. Le travail ne doit pas écraser le plaisir et il doit produire l’argent qu’il lui faut. Elle y arrive, peu à peu, en gardant bien les pieds sur terre.


Comme le dit l’artiste : « Ce serait tellement plus simple d’être un mec. Au niveau du travail, social, du corps physique, au niveau de ce qu’on doit porter. Je porte un jean, je ne sais pas ce que je porte, j’ai du mal à réfléchir, j’ai l’esprit embrouillé. Il y a des jours légers et des jours lourds et je ne sais pas pourquoi. Ma vie sera toujours comme ça. Parler avec vous, ça aide à voir les choses sous un autre angle. Mais je ne vois pas comment ça peut m’empêcher d’être mal. Aujourd’hui, je suis triste, je ne suis pas bien. Hier, j’ai fait un super truc, une fresque collective, un super moment »… « je gère ».


Lydie


L’orphelin


L’orphelin est né sur l’île de la Dominique. Sa maman s’était entichée d’un Guadeloupéen « moitié pêcheur, moitié chanteur » de « passage » à Roseau, la capitale. À l’âge de 20 ans, il rejoint la Guadeloupe pour chercher à développer une relation avec cet homme qui avait refusé de reconnaitre le lien de filiation. Il ne l’avait jamais vu ni rencontré. Après la fuite de sa mère vers la Guadeloupe, alors qu’il n’avait que 7 ans, il avait retrouvé la photo d’un homme dans une vieille bible abimée. Cette bible lui avait été remise par sa grand-mère mourante. Selon son entourage, c’était son père biologique. Cet homme pour qui sa mère avait tout abandonné. Pas un mot, pas la moindre explication, pas le moindre indice sur l’identité de ce père. Il a eu l’occasion de la voir passer de longues heures à attendre… Elle passait du temps à se maquiller, à se regarder dans un miroir…


Sa mère est le genre de femme qui fera tout pour entretenir le mirage d’une vie heureuse. Plus le temps passait et plus elle entassait des objets hétéroclites, des photos, des images jusqu’à en remplir sa maison de manière compulsive. Il n’existait plus pour elle. Il avait droit à son regard vide. Il était un étranger pour sa mère. Il devait se débrouiller seul pour tout. Le lien qui unissait l’orphelin et sa mère était complexe.


À l’âge de 35 ans, il est condamné à une peine d’emprisonnement ferme d’une durée de 15 ans. Il a été entendu et continue de clamer son innocence dans une affaire de meurtre. En cellule, sa vie tourne au cauchemar. Le voilà de nouveau seul, démuni… sans personne. Il dit avoir réussi à se dépasser en prison pendant toutes ces années grâce à une « petite amie » qui lui rendait visite. Elle lui parle d’avenir, de travail, d’avoir des enfants et il se projette… Le contact avec l’extérieur se fait avec sa petite amie.


Il n’a pas appris à lire, il déchiffre, mais il a du mal… Il souffre… et, dit-il aux éducateurs de la maison d’arrêt, « ça m’énerve, ça me rend mal et me fait mal partout, je me sens bête ». Progressivement, il cherche à renouer avec les mots. Il en mesure maintenant pleinement la portée. Les difficultés sont identiques derrière les barreaux. Celui qui ne sait ni lire ni écrire dépend des autres détenus pour tous ses courriers. Chaque lundi et vendredi, l’orphelin assiste à des cours pour apprendre à lire et à écrire en prison. Une relation éducative débute entre ce détenu et moi. Mais aussi avec d’autres éducateurs. La grossesse de sa petite amie le motive. Il est curieux et studieux. Il devient père en prison. Une semaine avant sa sortie de prison, il apprend le décès de sa mère. Il est resté sans réaction.


Au cours d’un atelier de lecture, il me dit : « Elle est partie… ». Il poursuit en frappant sa poitrine : « elle m’a laissé, j’ai mal en dedans… ». Son visage se crispe et froisse la feuille de papier. J’ai appris par un gardien de prison qu’on a retrouvé sa mère dans un appartement insalubre avec des photos autour du corps. Après sa sortie de prison, il refuse tout contact avec son fils. Il refuse de voir les photos de son fils. Et progressivement, il coupe le contact avec sa copine. Il participe à des groupes d’échanges dans une association partenaire d’aide à la réinsertion. Cette association propose différents ateliers de lecture, d’écriture créative, de sophrologie… d’aide à la rédaction de CV, lettre de motivation, d’écoute et d’orientation. Nous nous rencontrerons de nouveau dans ce cadre.


Je lui parle de sa copine. Il me répond qu’il la voit occasionnellement. Je lui demande pour son fils. Son visage se crispe. Il change de sujet. Il me parle de la vie en prison. Il parle de la cellule qui était très petite pour quatre, entraînant une promiscuité très importante, et profondément indigne. Il a eu un problème de santé. Cela faisait plusieurs jours qu’il n’arrivait plus à évacuer…


On l’appelait « dominicain… ». Ne pouvant pas obtenir d’être seul en cellule à cause de la surpopulation, il a demandé à être placé à l’isolement. Je lui propose de revenir avec une photo de son fils. Deux semaines plus tard, il revient avec la photo dans une enveloppe. Il la pose sur la table sans jamais la regarder. J’aborde le sujet de sa recherche de travail. Il me dit que le travail pour un ex-prisonnier et dominicain — étranger de la Guadeloupe — n’est pas facile à trouver et qu’il se décourage. Je lui demande s’il s’est inscrit pour poursuivre les cours de lecture et d’écriture. Il me regarde en disant qu’il va se rendre au cours. Mais il insiste pour savoir si j’y serai. Je lui précise que je serai présente une fois par semaine, car j’ai des responsabilités professionnelles.


Je touche l’enveloppe et lui dis : « quel est le prénom de ton fils ? » Il me regarde et ne parle plus. Son regard est vide. Ses doigts se crispent. Je mets alors un terme à l’entretien et j’avance délicatement l’enveloppe vers lui afin qu’il s’en saisisse. Il se lève, me regarde avec une certaine insistance, et prend la direction de la sortie. L’enveloppe reste sur la table. La secrétaire de l’association l’appelle le lendemain pour l’inviter à venir chercher cette enveloppe laissée sur la table. Deux mois après, j’apprends par le référent d’addictologie de l’association qui assure un suivi des personnes fréquentant les différents ateliers que l’orphelin a été hospitalisé. Oui, il a été interné en hôpital psychiatrique. Il avait recommencé à se droguer. Il a manifesté le désir de revenir à sa sortie de l’hôpital dans les groupes d’échanges et souhaiterait poursuivre les discussions avec moi (sophrologie et écoute…).


À suivre...


Christine Labeille

Yuying Huang

Alejandro Castillo Aceves

Lydie Saint-Victor



Illustration : ©Peter Doig

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