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Réflexions sur le livre « Le psychiatre, son "fou", et la psychanalyse »



Aujourd’hui je vais présenter le livre « Le psychiatre, son "fou", et la psychanalyse », écrit par Maud Mannoni en 1970. Dans cet ouvrage, Mannoni met en doute le système d’aliénation et la psychiatrisation à l’époque. La société fait ses fous. Elle crée une frontière entre les gens « normaux », cela dit, bien-pensants et les fous, et définit la maladie mentale et sa prise en charge. La psychiatrie devient un outil au service de la société. Ce livre est divisé en trois parties. Dans la première partie, s’intitulant « Folie et institution psychiatrique », elle parle de la folie en tant qu’un concept construit par la société. Comment la psychiatrie met « les fous » dans un cadre de nosographie et décide ce que c’est « guérir » ? Ce pouvoir derrière le savoir psychiatrique amène la ségrégation psychiatrique, qui, selon Mannoni, est raciste et colonialiste. Dans la deuxième partie, Elle se focalise sur l’institution psychiatrique et la psychanalyse. Elle introduit respectivement le cadre et le processus dans la situation analytique et dans l’asile. Ensuite, elle se demande s’il est possible de combiner les deux, c’est-à-dire, introduire la psychanalyse dans l’institution. Ce concept est mis en pratique par François Tosquelle, Jean Oury et autres, sous le nom de « psychothérapie institutionnelle ». Elle raconte ses expériences de travail en institution en tant que psychanalyste et remet ce modèle en question. Dans cette partie-là, nous pouvons voir des extraits des séances qu’elle a eues avec des patients dits schizophrènes. Selon ces discours, la relation entre le patient, sa famille et l’asile se révèle. Cela correspond au thème de notre atelier : que produit le délire ? Enfin, Mannoni discute la confrontation du mouvement d’anti-psychiatrie avec la psychanalyse. Comment entendent-ils la nature de la folie ? La réponse de cette question décide la manière dont ils la traitent. Elle évoque particulièrement la psychose d’enfant et la relation entre ses délires et sa famille. Dans cet exposé, Céclie ayant déjà fait l’exposé à partir du même texte la semaine précédente et aussi à cause du contenu important, nous allons juste élaborer quelques points clés et ce qui relie à la production délirante.

« Lorsqu’un patient se rend chez le médecin, il apporte une plainte, elle se transforme en demande de guérison. » Ce que le médecin fait est de déchiffrer des symptômes, à savoir des plaintes du malade. Cependant, il existe un écart entre le savoir médical et objectif provenant des symptômes du malade et la souffrance qui est en fait intraduisible. La psychiatrie considère le malade comme un complexe des symptômes, qui signifie un terme de maladie selon la nosographie. La singularité du sujet est éliminée. Quand une maladie, par exemple la schizophrénie, est diagnostiquée chez un patient, c’est à partir de cette constatation que le psychiatre, voire la société, raye ce patient comme sujet parlant. Le « schizophrénique » devient son identité. Le patient n’est plus entendu sans l’encadrer dans des limites nosographiques. Nous nous demandons : le diagnostic est

fait pour qui et pour quoi ? « Le diagnostic est destiné à d’autres. Le fait de poser un diagnostic psychiatrique délégué, donc le malade de sa position de sujet, l’assujettit à un système de lois et de règles qui lui échappent et inaugure ainsi un processus qui aboutira logiquement à des mesures de ségrégation. » Ainsi, nous pouvons observer que souvent ce n’est pas le malade qui apporte des plaintes, mais sa famille, ses proches ou la société. Dès qu’un sujet est diagnostiqué psychotique, il devient la maladie lui-même, ou nous pouvons dire, la maladie d’autres.

Comment définit-on la guérison ? Si le diagnostic de la maladie mentale est soumis aux ordres de la société, cela ne nous étonne pas si la guérison signifie « rentrer dans le rang des bien- pensants ». Souvent, ce n’est pas le patient qui demande d’être guéri mais sa famille ou ses proches. L’asile possède un rôle éducatif. Le but de la guérison est de permettre au malade de se réadapter à la société. À l’asile, la punition et l’exploitation envers des patients se cachent sous le nom de « soins ». La position arrogante de la psychiatrie se base sur une logique colonialiste.

Ensuite, Mannoni indique : « La gravité des désordres psychotiques de l’enfant est liée à la façon dont il a été très tôt dans sa vie affronté à une parole mortifère. » Afin de mieux élaborer son discours, nous nous permettons de parler d’un cas d’anorexie mentale qu’elle indique dans la deuxième partie du livre. La patiente s’appelle Sidonie, dix-sept ans, souffrant depuis deux ans d’une anorexie sévère résistante, rebelle à toutes les tentatives psychiatriques entreprises lors de cinq hospitalisations successives. Elle est chaque fois rendue à ses parents après son hospitalisation en bonne forme physique, mais révoltée et revendiquante et a recommencé à refuser la nourriture et chercher à s’autodétruire par prise d’une quantité démesurée d’aspirine ou vinaigre. Le cercle infernal épuise sa famille et ses parents ont décidé de l’envoyer à l’hôpital psychiatrique. Puisque Sidonie est considérée comme une malade chronique, future délirante, qui n’atteint jamais sa guérison. Pendant les séances, nous voyons que la patiente a un père faible mais une mère démoniaque, menaçante qui est une « vraie » maîtresse à la maison. Elle mentionne ce que sa mère lui a dit quand elle était boulimique : « Tu ne dois pas manger, si tu touches à quelque chose tu seras malheureuse toute ta vie. On te montrera à la foire. » Et elle se pose en victime de sa mère. Quand ses parents partent en vacances, elle reste à la maison et imite l’attitude de sa mère en commandant et accusant son cousin et la femme de ménage. Elle entend une voix qui l’empêche de manger. Cela sert de base au noyau délirant. Si elle mange, elle serait condamnée à mort. Le refus de s’alimenter devient une manière pour elle d' échapper à la mort. Pour devenir une fille désirée par la mère, elle doit se mettre dans un corps mort. Nous voyons les anneaux contradictoires.

Dans la dernière partie de ce livre, Mannoni se demande quelle est la nature de la folie en discutant la manière dont les influences familiales sont exercées sur les psychoses chez l’enfant. Pour Lacan, c’est la parole des parents qui joue le rôle principal dans ce processus. Mannoni indique des travaux des groupes américains qui sont centrés sur la parole des parents. Par exemple, le groupe de Palo Alto souligne le lien entre l’individu et la société. Le patient n’est pas seulement un être isolé, mais un lieu de relations. Les influences qu’a le patient sur l’entourage sont en fait bidirectionnelles. Cela correspond au rapport entre des êtres humains, ce que nous avons évoqué. Le groupe de Gregory Bateson propose la théorie du double bind. « Les auteurs mettent au jour dans le discours du patient et de sa famille, la façon dont le « futur schizophrène » s’est trouvé pris dans des ordres contradictoires, placé en situation conflictuelle continue de transgression.» Ils ont donné un exemple de la « liberté mystérieuse » que l’enfant se sentait souvent vis-à-vis de l’adulte. Pourquoi les adultes peuvent faire quelque chose alors qu’il en est interdit ? Nous voyons que le délire se produit à la faveur des paroles, des ordres et des rapports sociaux contradictoires. L’enchaînement des mauvais anneaux contribue à la production des idées délirantes.

Nous nous demandons la façon dont l’antipsychiatrie traite les psychotiques et leurs délires. Mannoni mentionne un système particulier de « soins » présenté par les psychiatres anglais, Laing et Cooper, ce qui s’oppose à la psychiatrie classique. Ils proposent qu’il nécessite des lieux où l’on pourrait permettre au malade de mener son délire avec l’aide du médecin comme support et « guide » de sa folie. Le médecin doit contenir son délire et même y prendre place envers les thèmes délirants apportés par le patient. Pour l’anti-psychiatrie, la guérison est un processus permettant au malade de libérer ses paroles et ses délires.

Pour conclure, dans ce livre, Mannoni montre son soutien au mouvement d’antipsychiatrie. Elle explique en détail les problèmes actuels sur la psychiatrie classique et la psychothérapie institutionnelle. L’antipsychiatrie ne nie pas l’existence de la folie mais la met en cause. Qui définit la folie ? Qui cause la folie ? Elle met en exergue les influences environnementales, en particulier, les influences familiales pour des enfants psychotiques. Concernant la prise en charge, l’antipsychiatrie ne soigne, au sens classique, pas des malades mais les aide à élaborer, symboliser ses délires et leur « folie ».

Eva Y. WU


- Illustration : ©Chagall

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