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Réflexions autour de l’ouvrage de Maud MANNONI : « Le Psychiatre, son « Fou » et la Psychanalyse »



Il est à remarquer que dès le titre Maud Mannoni pose le rapport du psychiatre à la personne dite aliénée par l’adjectif possessif « son ». C'est dans ce rapport de valeur que la personne entrant en institution va se retrouver enfermée.

Dans la première partie des trois que contiennent ce livre, l’auteure nous montre que cette « réification » provient de l’histoire même de la psychiatrie, assimilée à une prison et le psychiatre au geôlier, donc à une valeur punitive, portant l’empreinte d’une faute.

Mais quelle faute ?

Celle de ne pas correspondre aux critères normés du moment, induit par le diagnostic du psychiatre, empêchant ainsi un socius notamment avec le premier groupe social, la famille.

Maud Mannoni démontre alors comment l’institution ségrégue la personne par une séparation d’un collectif jusqu'à sa réhabilitation dans ce dernier, après rééducation par le protocole dit de soin accompagnant le diagnostic, qui va se révéler être un véritable parcours de formatage pour répondre en tout point aux preuves de normativité de ce même groupe afin de pouvoir l’intégrer.

C’est en réaction à ce conservatisme ambiant, résurgence colonialiste des différentes guerres, que le mouvement de l’antipsychiatrie va émerger.

Son objectif sera de sauvegarder la dignité du dit psychotique en l’aidant à rester sujet autonome et en écoutant son récit. Forte de ce mouvement, la valeur guérison pour la psychanalyste sera également cette autonomie retrouvée par l’écoute du « dire vrai » de et pour la personne.

Dans une seconde partie, elle étudie le fou connecté à l’histoire de la folie liée elle -même à celle de la sorcellerie. Où la valeur de la faute est alors corrélée à celle du mal et de l’exclusion.

Point de rencontre avec l’histoire de la psychiatrie dont le Mot-Image-Corps est l’exclusion du groupe référent.

Dans la troisième partie, Maud Mannoni indique comment l’introduction de la psychanalyse dans les institutions a permis d’interroger aussi bien la place de chacun (introduction des psychothérapies institutionnelles) que la valeur symptôme.


Cependant, cette avancée s’est compromise dans les querelles d’école analytique.


Pourquoi et Comment cet ouvrage reste d’actualité ?

Les réflexions apportées par les psychothérapies institutionnelles et les mouvements d’ouverture des établissements ont permis de nombreuses avancées du droit des malades ( justice à l’hôpital psychiatrique avec juges des libertés comme le filme à l’hôpital du Vinatier Raymond Depardon dans « Douze jours », par les chartes de bientraitance du malade, par différentes commissions, associations pour les droits du malade et de sa famille... ) en faveur de l’autonomie, de la dignité de la personne et dans le même mouvement un manque de personnel et de temps, une tarification à l’acte, des fermetures de lit, des services saturés, des pressions administratives toujours plus lourdes ... qui participent à la chosification et parfois à la maltraitance du patient, de son entourage, du soin, du soignant et de l'équipe jusqu’à l’absurde pouvant générer le meurtre social (nous nous rappellerons ici les nombreux suicides de soignants et les violences entre famille et personnel ).

Cette oscillation des poussées contraires orientée pour lever l’aliénation institutionnelle, nous la retrouvons au niveau de la personne elle-même (« Nous sommes agents, effets et produits des rapports sociaux que nous vivons ») dans sa quête du plus de vie tout en revendiquant son diagnostic pour y former son anneau Mot-Image-Corps, posant ainsi son identité de psychotique ou autre étiquette pathologique, lui permettant à la fois de se socier et d’éviter certaines confrontations comme celle d’ « aller vers son risque »(René Char).

Maud MANNONI l’exprime d’ailleurs ainsi : « Il n’est pas toujours commode de faire la part entre un système social aliénant et ce qui dans cette aliénation est recherché par l’individu contre l’angoisse ».


Voici le Cas de Sidonie repris par Eva pour illustrer nos propos.


Ainsi la conformation aux normes de la communauté référente peut aller jusqu’à l’effacement total du désir de vie, du plus de vie de la personne c’est-à-dire jusqu’à son extinction, son meurtre social.

De même la valeur de l’étiquette posée par le diagnostic reste valeur d’évitement pour son groupe. En effet, il reste préférable d’exclure un élément dérangeant, interpellant, au reflet déformé évoquant « l’inquiétante étrangeté », que de se repositionner ou se questionner sur un autre possible invitant à un nouvel ordonnancement d’anneaux pour y prendre pleinement sa place de sujet, nous pensons ici au film « Family Life » de Ken Loach. Voilà la tromperie générée par un collectif sur un être.

Au vu de ces constats nous nous interrogeons sur la possibilité d’une autre pratique si nous ne partons pas d’une autre base que celle imposée par le modèle de nos sociétés capitalistes dont la valeur « humain » comme la valeur « vivant » ou encore la valeur « penser » restent obsolètes pendant que la valeur « rendement » ou la valeur « normativité » règnent. Au point que certaines situations environnantes de la personne portent une production délirante dans leurs invectives et injonctions paradoxales au risque de la déconnecter d’elle-même comme dans cette vignette illustrant le phénomène TANGUY. En France, il reste pathologique 30 ans passés de loger encore chez ses parents mais en Italie cela reste courant. Natacha se retrouve ainsi dans un dilemme insoluble où sa vie est en France mais sa place ne lui est donnée qu’en Italie, ne pouvant s’autoriser un crédit, suite à l’inflation générale, pour se loger. Ses crises d’angoisse connectées aux blagues cyniques et moqueries sur sa situation par son groupe d’amis et de collègues de travail sont insolubles si nous ne considérons la personne dans ces conditions de vie socio économico culturelles. Cette personne souffre bien d’une ségrégation sociale qui devient souffrance sociale dans le mental.


Écouter le « dire vrai », même issu du mental, au-delà de la plainte, demande du temps et notre société capitaliste est fondée sur « le temps, c’est de l’argent » d’où la nécessité de rentabiliser et pour cela de « faire toujours plus avec de moins en moins » en allant toujours plus vite.

Retrouver un rythme respectant les besoins des personnes, pourrait se connecter comme anneau à cette nouvelle pratique du travailler avec les personnes et non sur les personnes.


Atelier Maud Mannoni avec Christine Labeille, Ya Wei Wu, Cécile Tranier.

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