LES CONTRADICTIONS DANS LE MATÉRIALISME DIALECTIQUE
Georges Politzer était un révolutionnaire marxiste et un philosophe né en Hongrie en 1903. Il a participé à la révolution en Hongrie. A la suite de la défaite du gouvernement communiste, il fuit en France à l'âge de 17 ans. A Paris, il obtient en cinq ans tous ses titres académiques , entre autres, l’agrégation en philosophie. Politzer est décrit comme un « Français de la tête au pieds ». (p.1) Il a enseigné à l’Université ouvrière le matérialisme dialectique où il essayait d’ éclairer des questions centrales de la philosophie. Comme on le sait déjà, Politzer s’intéressait aussi à la psychologie. Au début, il était fortement attiré par les théories freudiennes, mais il prend de la distance avec la psychanalyse en raison de son caractère idéologique. Il écrit en 1928 la « Critique des fondements de la psychologie » et il tente de créer une nouvelle psychologie qu’il appelle psychologie concrète. C’est pour éviter de considérer les mécanismes psychiques isolés qu’il met le point sur l’importance sociale pour comprendre l’humain entier. Pendant la guerre, mobilisé à Paris, à l'Ecole militaire, Politzer reste aux côtés de la direction clandestine du Parti communiste. En 1940 à 1942, il s’engage beaucoup dans la résistance universitaire. Politzer est arrêté en 1942 par la Gestapo et fut par la suite fusillé. Juste avant, Politzer a prononcé qu’il était heureux de mourir pour le parti communiste et pour la France.
L’ouvrage « Principes élémentaires de philosophie » est publié en 1946, après sa mort. Le livre est une retranscription de ses cours sur le matérialisme dialectique rédigé à l'aide des prises de notes d’un des ses élèves. Il était important pour Politzer de rendre des sujets complexes compréhensibles pour tous. Il s’adresse notamment aux ouvrier(e)s qui n’ont pas le même accès au savoir. Pour donner une première idée de ce qu'est le matérialisme dialectique, on pourrait y répondre dans des mots simples que c’est la philosophie du marxisme.
Dans un premier temps, je donnerai des grandes lignes du matérialisme dialectique, mais ce sera une explication insuffisante pour la comprendre dans sa totalité. Dans un second temps, l’accent sur la thématique du séminaire de l’APPS de cette année : « Que faire avec les contradictions dans le mental ? ».
Pour commencer, Politzer pose la question initiale de la philosophie qui est d’après lui : “D’où vient le monde ?” “Est-ce que le monde est une construction de la pensée ou est-ce que le monde existe en dehors de l’esprit ?” Ces deux approches de pensées donnent alors naissance à l’idéalisme et au matérialisme. L’idéalisme tente d’expliquer le monde par l’esprit, là où au contraire le matérialisme analyse les faits sous l’aspect de la matière. Au cours de l'histoire, l'idéalisme a dominé nos esprits, ceux qui vient aussi du fait d’un manque de capacité d’expliquer le monde dans le passé. C’est avec l’évolution des sciences que le matérialisme va prendre de l’ampleur.
Qu’est-ce que c’est le matérialisme ?: « Les matérialistes affirment d’abord qu’il y a un rapport déterminé (...) entre la matière et l’esprit. Pour eux, c’est (...) la matière, qui est la réalité première (...) et l’esprit qui est la réalité seconde, (...) dépendant de la matière. (...) L’esprit n’est lui-même que le produit supérieur de la matière ». (p.49) C’est à partir de là que Marx va développer l’idée que les gens sont produits de leur condition économique et que l’Homme lui-même à la force de transformer celui-ci. C’est une explication du monde par des choses existantes qui influencent la pensée.
Comment la dialectique entre en jeu ? Chaque théorie est liée à une méthode. Pour le matérialisme moderne ce sera la dialectique. Qu’est-ce que c’est la dialectique ? Elle est construite selon quatre lois ( Je tiens à noter que ces sont plus des principes directeurs.) :
La première lois est le changement dialectique. La dialectique voit toutes choses en mouvement. Ce n’est pas simplement un mouvement dans le sens d’un déplacement comme le faisait le matérialisme mécanique (avant la dialectique). Elle englobe aussi le mouvement dans le sens du changement. Il n’y a rien qui soit éternel, sauf le changement. Il faut prendre en compte tous les changements d’une chose, c'est- à dire toute son évolution dans l’histoire étant donné que tout est lié. Tout a un passé et un avenir.
La deuxième loi est l’action réciproque qui nous dit que ce sont tous des enchaînements de processus. Les transformations du passé et du futur sont reliées. Ce n’est pas possible d’analyser qu’une partie seule. Métaphoriquement, la dialectique nous donne l'image que le monde évolue en «spirale». Le monde n’avance pas en cercle car le monde ne revient pas sur ses pas. Il est dirigé vers l’avant et prend toujours des nouvelles formes même si certaines suites d’événement se ressemblent.
Cela nous amène à la troisième loi : la contradiction. Les contradictions sont justement aussi liées entre elles. Il n’y a pas d'opposés isolés. Les choses peuvent se transformer en leur contraire.
La quatrième lois, la transformation de la quantité en qualité, nous explique pourquoi le changement s'effectue d’une manière brusque, de manière révolutionnaire. La loi prévoit une accumulation qui dépasse un seuil à un moment donné et qui provoque une transformation brusque. Il est écrit: « l’évolution des choses ne peut être indéfiniment quantitative : les choses se transformant subissent, à la fin, un changement qualitatif. » (p.197).
Pour finir sur ce bref aperçu du matérialisme dialectique, il est à noter que la méthode dialectique implique une étude des choses minutieuse de son histoire et son développement. Seulement quand on connaît les circonstances, on peut tenter une interprétation. C’est justement aussi un point important en thérapie avec les patients. Il faut comprendre les conditions économiques qui concernent le patient, son milieu social et circonstance de vie étant donné que ce sont eux qui participent à la construction des idées. Plus poussé encore, on retrouve l’importance de comprendre les patients dans leur transfert social.
Venons maintenant sur les contradictions en rapport avec la troisième loi de la dialectique. On a vu que les choses changent en permanence, que les transformations s’enchaînent et que les choses se transforment pas n’importe comment mais dans leur contraire. Mais pourquoi il y a le changement ? «Les choses changent parce qu’elles renferment une contradiction interne (…). Les contraires sont en conflit, et le changement est la solution du conflit. » (p.191)
Du coup à la question « Que faire avec les contradictions dans le mental ? »
répond la dialectique avec le changement.
Pourquoi le changement est une solution ? Il est considéré que chaque chose est une unité de contradiction. Tout a un antagonisme et même chaque chose porte des contradictions en elle-même. Donc chaque chose est une affirmation qui a un contraire, la négation. Il y a deux forces opposées qui se manifestent ici : celle de l’affirmation, la force de non-changement et celle de la négation, vers le changement. Il y a notamment une poussée vers le changement. Ces deux forces s’opposent, elles luttent à l’intérieur de chaque chose. Maintenant à l’aide de la quatrième loi, si on s’imagine une évolution par bonds, on passe de l’affirmation à la négation. Mais comme on a vu, tout a un antagonisme, de suite il va s’installer une négation de la négation. Quand ces nouvelles contraintes seront installées, l’ancienne contradiction n’aura plus d’importance. Le changement semble alors être une solution. Rapporté au psychisme ont peut s’imaginer que la souffrance liée aux contradictions va disparaître avec la contradiction elle-même. On entend aussi que c’est seulement grâce à la destruction qu’on peut évoluer et il en va de même pour notre psyché.
Lydia Shabirosky
Bibliographie :
Politzer, G. (1972). Principes élémentaires de philosophie. Editions sociales.
Wikipedia contributors. (2022a, octobre 3). Georges Politzer. https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Politzer
Illustration : ©Pierre Soulages
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