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L’enfer du décor




Décor psychanalytique. Un enfant conte son histoire qui est le lot des histoires des enfants vivant dans les sociétés monothéistes: dans sa vie il y a eu un accident ! Cet accident, il en a le souvenir marqué au fer rouge de la terreur vers l’âge de quatre ans.

Sa grand-mère qui l’élevait en l’absence de ses parents, grand-mère qu’il adorait, ne supportait plus ses caprices réglés sur les moments d’apparition / disparition de sa mère dans sa vie.

Cette grand-mère portait le décor de l’amour le plus intense à son égard et subitement tout basculait : « Tu as le diable dans le corps » lui jetait-elle avant de partir de la maison en fermant la porte à clé en hurlant que le Diable allait venir.

Ce Diable était apparu en français en 881 après avoir faire disparaître deux queues linguistiques « os » et « us ». Le mot Diable a été en effet emprunté via le latin chrétien « diabolus » au grec « diabolos ». Il fallait bien ce caprice démoniaque de changer de queue pour arriver à l’expression de possession érotique « avoir le diable au corps«  ou encore « tirer le diable par la queue »

L’enfant supposait-il le décor étymologique du grec ancien Diaballein : jeter entre, insérer, employé ensuite péjorativement, d’où au figuré « désunir, séparer », puis « accuser, calomnier » ? Il vivait sans le savoir cette désunion, cette désunion dans l’amour démesuré pour la persona de sa grand-mère qui jouait le rôle du Un dans son histoire. Il ne savait pas encore que la survenue d’une faute viendrait l’accuser. Etrange décor où le savoir des mots, enfoui depuis des lustres, correspond à une pratique sociale et non à un décor universitaire. Etrange décor où l’an 881 paraît si proche en son vécu à cet enfant contemporain du décor psychanalytique d’aujourd’hui. Epoque de l’an 881 où les guerres et alliances font rage aussi bien près de Maastricht avec les Vikings qu’en Chine où les Tang appèlent à la rescousse les Turcs. « A l’origine de la civilisation, on pourrait dire aussi bien du pouvoir, de l’activité politique, notait Totem et Tabou, il y a un meurtre, origine de l’alliance des meurtriers et de leur commun remords » nous indique le philosophe François Châtelet. Peut-être cette proximité du Diable n’est-elle que la conséquence de ce fait du meurtre entre humains ? Meurtre, alliance des meurtriers, faute, séparation…Que faire alors du mot Symbole, de son verbe Sumballein, « jeter ensemble, joindre, réunir » dont Rabelais inaugurait bien avant les psychanalystes la signification de « fait naturel ou objet qui évoque, par sa forme ou sa nature, une association d’idées avec quelque chose d’abstrait ou d’absent » Le symbole reste incertain dans son voeu d’être un signe de reconnaissance entre les humains. Quel est le destin de cette grand-mère symbole d’amour pour cet enfant au regard de l’absence de ses parents? Le problème est bien dans ce qu’il y a de commun entre un Diable et un symbole, le verbe Balein, qui a donné le français Bal, action de danser, qui noue le visuel et le corps dans un rythme.

Le trou de l’absence montre jusque dans l’étymologie que le binaire « Désunir, séparer / joindre, réunir » ne tient que par le verbe « jeter », étrange enfer du décor du verbe « aimer »

« La vie n’est qu’une ombre qui passe, un pauvre acteur qui se pavane et s’agite. Durant son heure sur la scène et qu’ensuite on n’entend plus. C’est une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien » Cette phrase diabolique de Shakespeare dans Macbeth nous pousse à trouver la signification de ce rien : la jouissance de l’enfer, envers du décor de la souffrance de l’humain, soit le jeter, le rejeter.


Hervé Hubert publié dans le webmagazine Corridor Eléphant en avril 2016


Illustration: ©JuanGris


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