Je suis un monstre qui vous parle - Rapport pour une Académie de psychanalystes de Paul B. Preciado
Avant-propos
C’est en regardant la restitution vidéo d’une lecture faite à la Maison de la Poésie en 2020 que je rencontre ce texte pour la première fois. La mise en scène était très simple, épurée : quatre tabourets, quatre micros, et quatre personnes qui l’énonçaient. Les quatre voix étaient celles de Paul B. Preciado, philosophe trans et auteur, d’une femme trans en la personne de Naëlle Dariya, d’un homosexuel, Félix Maritaud, et une femme, Ana Mouglalis. Précisons que chacun.e s’est présenté.e de cette façon.
Ce qui me frappa d’emblée fut, à la fois la force et la justesse des mots, les résonances qu’ils provoquaient en moi et les échos qu’ils pouvaient susciter chez d’autres aussi, tout en mesurant leur densité politique.
Pourquoi s’intéresser à ce texte, à la pensée de Preciado?
Quels sont les apports de ce philosophe pour regarder, appréhender le monde qui nous entoure ?
Et en quoi ses travaux, et ce texte en particulier, peuvent nous éclairer dans notre praxis à l’APPS ?
Dans son ouvrage, Un appartement sur Uranus, Preciado se présente ainsi : "Je ne suis pas un homme, je ne suis pas une femme, je ne suis pas hétérosexuel, je ne suis pas homosexuel, je ne suis pas bisexuel. Je suis un dissident du système sexe-genre. Je suis la multiplicité du cosmos enfermée dans un régime politique et épistémologique binaire... Je n'apporte aucune nouvelle des marges. Je vous offre un morceau d'horizon.(1) " Ce qui est déjà, à mon sens, une mise en bouche, de sa pensée, et de ce qu’il développe particulièrement dans le texte dont je vais vous parler aujourd’hui.
Pour compléter nous indiquerons que ce « dissident du système sexe-genre » est né Beatriz Preciado en Espagne, dans une famille très catholique. Il obtint une bourse et partit aux Etats Unis où il fut l’élève de Jacques Derrida (1930-2004), et devient docteur en philosophie et théorie de l’architecture à l’université de Princeton. Il fut également directeur de recherche au Musée d'art contemporain de Barcelone et enseigna la philosophie du corps et la théorie transféministe à l'Université Paris VIII-Saint Denis et à l'Université de New York. S’inscrivant dans la lignée de Michel Foucault (1926-1984), Monique Wittig (1935-2003), Donna Haraway (née en 1944), Judith Butler (née en 1956), pour ne citer que ces grandes figures de la philosophie, Preciado est l’un des chercheurs contemporains marquants sur les questions de genre, sur le corps, et la sexualité en lien avec le politique.
Dans une interview sur France Culture, dans l’émission Les chemins de la philosophie, autour de la profession de philosophe, il déterminait le fait d’être philosophe comme « de faire usage d’une tradition critique, se servir de ses traditions pour comprendre, transformer le monde et peut être se transformer soi-même. » Pour ce penseur, « la philosophie est très en rapport avec d’autres formes d’écritures comme la littérature, la science, les droits »…et en ce sens il dit que « c’est une productions de subjectivités parmi d’autres.» Ses recherches portent sur le corps, mais pas comme on l’appréhende la plupart du temps comme objet de l’anatomie, mais plutôt comme « archive politique vivante », une « somathèque », comme il dit. Pour Preciado, le corps est « un ensemble de représentations, de cadres épistémiques, de discours, de lois, d’institutions, de techniques qui ne sont pas toujours en alliance avec les autres » et où l’on observe parfois des « ruptures violentes .» Ainsi, il résume en disant que « nos corps sont des résultats de ces alliances improbables, de ces luttes des différents régimes politiques (2) », en dehors de toute forme de catégorisation ou classification.
A part Je suis un monstre qui vous parle, il a écrit plusieurs ouvrages. Manifesto contra-sexual (2000,) Testo-Junkie. Sexe drogue et biopolitique (2008) qui témoigne de sa prise volontaire de testostérone comme protocole d’intoxication pendant 236 jours. Pornopia : Architecture and sexuality in Playboy during the Cold War (2010), qui porte sur l’invention de la sexualité multimédia. Un appartement sur Uranus (2019) qui reprend les chroniques publiées dans Libération entre 2013 et 2018 et Dysphoria Mundi (2022), son dernier opus, où il pense la situation planétaire comme une dysphorie généralisée.
Il a également réalisé un film intitulé Orlando, Ma Biographie politique (2022) qui est une lettre filmée adressée à Virginia Wolf (1882-1941) sur son ouvrage intitulé Orlando (1928) dont le personnage changeait de genre au milieu du livre. Dans ce film, la volonté de Preciado fut de sortir Orlando de la fiction et de le faire évoluer dans le monde actuel à travers différents personnages de 8 à 70 ans, vivant une vie, des vie que Wolf n’aurait pu imaginer.
Critique de l’immobilisme et de l’inertie de la psychanalyse : un appel vers une mutation paradigmatique passant par une décolonisation des esprits et des corps
Je suis un monstre qui vous parle est en réalité un discours qui s’adressait initialement à 3500 psychanalystes assistant à un colloque en 2019, lors des Journées Internationales de l'Ecole de la Cause Freudienne à Paris, ayant pour thème les Femmes en psychanalyse. Voilà ce qu’il rapporte dans son avant-propos sur la réception de ce texte:
« Le discours a provoqué un séisme. Lorsque j’ai demandé s’il y avait dans la salle un, une ,u/ne psychanalyste homosexuel/le, trans, ou du genre non-binaire, le silence s’est fait, fissuré par quelques fous rires. Lorsque j’ai demandé aux institutions psychanalytiques de prendre leur responsabilité face à la transformation actuelle de l’épistémologie sexuelle et du genre, une moitié de la salle a rigolé, tandis que d’autres ont hurlé, ou m’ont demandé de quitter les lieux. Une femme a déclaré, assez fort pour que je l’entende depuis ma tribune : « Il ne faut pas le laisser parler c’est Hitler.(3) »
Ce texte s’adressait avant tout à des psychanalystes, mais il interpelle également le corps médical, la psychiatrie, et tous ceux qui sont restés figés dans des théories que l’auteur taxent d’obsolètes au regard des connaissances et des moyens qui sont à la disposition des humains aujourd’hui. Pour développer son exposé, Preciado va s’appuyer, dans ce texte, sur d’autres chercheurs, chercheuses, auteur, autrices : de Galilée à Virginia Woolf en passant par Monique Vittig ou Donna Haraway.
Il initie sa démonstration avec Frantz Kafka (1883-1924) qui, avant lui, avait écrit en 1917, Rapport pour une académie où il met en scène un singe nommé Pierre le Rouge. A la suite de sa capture, le singe se retrouve dans un cirque et apprend à parler le langage des humains afin « d’entrer dans la société de l’Europe de son temps et ainsi oublier sa vie de singe.» Car comme nous l’explique Preciado, « s’il ne voulait pas mourir enfermé dans une cage, il devait passer à la ‘’cage’’ de la subjectivité humaine. » A l’instar de Pierre le Rouge, Preciado se présente devant cette assemblée académique, depuis sa « cage d’homme trans », comme il dit, déclamant :
« Moi, corps marqué par le discours médical et juridique comme ‘’transsexuel ‘’, caractérisé dans la plupart de vos diagnostics psychanalytiques comme sujet d’une ‘’métamorphose impossible’’, me situant, selon la plupart de vos théories, au-delà de la névrose, au bord ou même dans la psychose, incapable selon vous de résoudre correctement un complexe d’Œdipe ou ayant succombé à l’envie du pénis. (…) Je suis le monstre qui vous parle. Le monstre que vous avez construit avec vos discours et vos pratiques cliniques. Je suis le monstre qui se lève du divan et prend la parole, non pas en tant que patient, mais en tant que citoyen, en tant que votre égal monstrueux.(…) comme Pierre le Rouge, j’ai appris la langue de Freud et de Lacan, celle du patriarcat colonial, votre langue, et je suis là pour m’adresser à vous. (4) »
Ainsi Preciado nous montre que rien n’a évolué depuis 1917, date à laquelle fut publié l’ouvrage de Kafka. Dans cette lignée, les fondateurs de la psychanalyse Sigmund Freud (1956-1939), Mélanie Klein (1882-1960), Jacques Lacan (1901-1981), ont utilisé une langue, un discours qui sert le patriarcat et le système de domination colonial qui est encore et toujours à l’œuvre, dans un processus asphyxiant des corps et des esprits.
Dans Peau Noire, masque blancs (1952), Frantz Fanon (1925-1961) invitait le lecteur à une « décolonisation de l’esprit ». À sa suite, Ngügï Wa Thiong’o (né en 1938), dans « Decolonising the mind » (1986/2011) prônait un changement des conditions matérielles au sens marxiste. Preciado, quant à lui, invite à opérer un « processus de décolonisation des corps » comparant « le corps trans » à une « colonie d’institutions disciplinaires, de la psychanalyse, de médias, de l’industrie pharmaceutique, du marché. » Pour l’auteur, « il n’y a pas d’organes sexuels mais des enclaves coloniales de pouvoir.(5)»
A ce moment de notre exposé, nous devons nous interroger sur le choix du terme « monstre », d’où il vient et ce que cela nous évoque. A partir de l’étymologie du terme d’abord. Du latin monstrum, venant de monere, qui veut dire avertir, indiquer, dont le dénominatif mostrare veut dire montrer. Dans le dictionnaire Le Littré, on trouve pléthore de significations, de la morphologie anormale, aux créatures légendaires ou mythiques en passant par une personne qui provoque la répulsion par sa laideur ou sa difformité ; il nous semble qu’avant tout les représentations du monstre, de la monstruosité, sont empreintes des fantasmes humains. Et c’est peut-être, à cet endroit particulièrement que Paul B. Preciado vient interpeller les psychanalystes auxquels il s’adresse mais c’est aussi ce qu’il souhaite transmettre à la doxa qui prône un état de nature basé sur la différence sexuelle binaire.
L’artiste américaine Diane Arbus (1923-1971) photographiait des êtres souvent en marge, parfois « hors normes », qualifiés de monstrueux, qu’elle-même avait surnommés « Freaks », disant également qu’ils sont « nos symptômes, nos monuments » (latin monumentum, de monere, faire se souvenir). Elle les photographiait non pas parce qu'elle les considérait comme des ratés de l'existence mais au contraire comme l'existence d'une vérité. Platon disait que dans la beauté figurait la splendeur du vrai. Avec ses photographies, Arbus affirmait, quant à elle, que la vérité est toujours belle, la beauté, en revanche n'est pas toujours vraie.
L’intime est politique : La transition comme expérience de recherche
« Je voudrais commencer par dire que le régime de la différence sexuelle avec lequel travaille la psychanalyse n’est ni une nature ni un ordre symbolique du corps, mais une épistémologie politique du corps et que, comme tel, il est historique et changeant.(6)»
Dans la lignée foucaldienne du concept de biopolitique, Preciado s’appuie aussi sur le postulat de Carol Hanish (née en 1942) en 1970, « the personal is politique », « le personnel est politique », utilisé comme slogan de ralliement par les étudiants et féministes lors de manifestations dans les années 60 et 70 aux Etats-Unis, contre le modèle de la famille nucléaire et les valeurs familiales qui soumettent et aliènent les femmes. Dans son ouvrage, il parle de son « corps trans » comme une « somathèque », « une archive politique vivante ». Ainsi dans Testo-junkie, il fit l’expérience de prise volontaire de testostérone. Il le répète dans les interviews, il fit cette expérience au même titre que Freud prit de la cocaïne ou que William Burroughs (1914-1997) prit de l’héroïne ou du LSD, comme il le partage dans Junky (1952).
Ainsi, en première instance, Il l’explique de cette façon : « je n’avais cependant aucun désir de devenir un homme comme les autres hommes. (…) je voulais juste une issue : n’importe laquelle. Pour avancer, pour échapper à cette parodie de la différence sexuelle, pour ne pas être arrêté, les mains en l’air, acculé aux limites de cette taxonomie.(7)»
Puis, il aborde la question de la liberté disant que même s’il cherchait une « porte de sortie » , il évita « avec soin le mot liberté » préférant parler de « trouver une sortie du régime de différence sexuelle, ce qui ne signifie pas devenir immédiatement libre ». D’ailleurs, il nous dit bien que la liberté est une duperie pour les hommes et pour les femmes parce que, pour lui, elle est : « un tunnel qui se creuse avec les mains. La liberté est une porte de sortie. La liberté- comme nouveau nom sous lequel vous m’appelez maintenant, ou ce visage vaguement hirsute que vous voyez devant vous-, ça se fabrique. (8)», nous rappelant la célèbre phrase de Simone de Beauvoir (1908-1986), dans Le deuxième sexe, en 1949, « On ne nait pas femme, on le devient. » Ainsi « Je suis un monstre qui vous parle » est un monologue mais qui pourrait nous sembler dialogique car Preciado est en dialectique avec d’autres philosophes, auteurs, autrices, comme nous l’avons constaté et il nous invite aussi à discuter, à dialoguer avec lui.
Virginie Despentes (née en 1969), qui a fait la relecture de ce texte, et qui dans son essai King Kong théorie, paru en 2006, nous interpellait déjà à déconstruire les stéréotypes, en particulier celui de la femme hétérosexuelle, aux confins des injonctions sociétales, disant :
« Parce que l’idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant sans trop réussir, pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l’esthétique (…) cette femme blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez , celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler , à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grand-chose, de toute façon je ne l’ai croisée nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas.(9) »
Cette femme qui n’existe pas tout comme cet homme idéal n’existe pas comme Preciado le partage. Ainsi, il y une phase qui a été très importante pour lui, ce moment transitionnel du féminin au masculin, d’une cage à une autre, comme le singe Pierre le rouge de Kafka, qui ne lui convient pas même après son changement de nom sur ses papiers d’identité, car de la « cage d’homme trans », une cage restait toujours une cage. Aussi, il nous invite plutôt à regarder, à comprendre la transition comme un acte révolutionnaire.
La transition comme acte révolutionnaire vers un « horizon » coloré de multiplicités et de variabilités du vivant
Il propose un au-delà, un plus que ça, pour sortir du système patriarcal et colonial, nous ouvrant vers un champ de découvertes, d’expériences existentielles multiples et riches, disant :
« Faire une transition revient à comprendre que les codes culturels de la masculinité et de la féminité sont anecdotiques comparés à l’infinie variation de modalités de l’existence.(9)»
Plus loin dans son texte il résumera sa trajectoire de vie dans un ensemble bien plus large que sa transition :
« Je suis la petite fille qui traverse un village de Cantabrie et grimpe sur les cerisiers en se grattant les jambes. Je suis le garçon qui dort dans l’étable avec les vaches. Je suis la vache qui gravit la montagne et qui se cache des regards humains. Je suis Frankenstein qui essaie de trouver quelqu’un qui l’aime en se promenant avec une fleur à la main, alors que tous ceux qui passent le fuient. Je suis le lecteur dont le corps devient un livre. Je suis l’adolescent qui embrasse une fille derrière la porte de l’église. Je suis la jeune fille qui se déguise en jésuite et qui apprend par cœur des paragraphes de l’Éthique de Spinoza. Je suis la lesbienne au crâne rasé qui assiste aux séminaires BDSM au Lesbian , Gay , Bisexual &Transgender Community Center sur la 13e Rue à Manhattan. Je suis la personne qui refuse de s’identifier en tant que femme et qui s’administre de petites doses de testostérone chaque jour. Je suis Orlando dont l’écriture est devenue chimie.(10)»
Ainsi Preciado nous invite non seulement à ouvrir notre pensée à ce champ d’expériences existentielles riche mais aussi à un changement, une mutation paradigmatique, disant « ce réveil est une révolution » afin de nous extraire de notre conception binarisée de l’humanité. Il enjoint la communauté psychanalytique à l’accompagner dans ce que l’on pourrait appeler une déconstruction épistémologique, « son processus d’élargissement radical de l’horizon démocratique », comme il dit. Ce « processus d’élargissement » qui pourrait sembler une illusion pour certains, ou encore un rêve, pour d’autres, me semble plutôt pencher vers un au-delà de toute théorie ou épistémologie. Un au-delà de la structure, du symptôme, de l’inconscient, des taxonomies psychanalytiques et psychopathologiques, du DSM, de la CIM 10, un au-delà de l’espace technique en somme.
Alors nous pouvons nous demander quand arrête-t-on d’être un monstre ? Quand arrête-t-on d’être un monstre aux yeux des autres, face aux préjugés, aux normes sociales ? Quand arrête-t-on d’être un étranger, un pédé, un pakpak, un rebeu, une gouine, un négro, un trav, un bougnoule...?
Ce que nous enseigne Preciado dans l’accompagnement des personnes à L’APPS, qu’elles soient en transition de genre
ou professionnelle, amoureuse, politique…
Pour y répondre Preciado nous invite donc à cet au-delà et il me semble qu’il s’agit de cette ouverture-là qu’il nous est offerte de pratiquer à l’APPS, opérant une dialectique entre la personne que l’on reçoit et le monde extérieur, cette personne inscrite dans le social, une dialectique entre le dedans et le dehors, engageant des « tentatives » , pour reprendre Fernand Deligny (1913-1996). Des « tentatives », c’est-à-dire que dans l’accompagnement des personnes en souffrance, souvent prises dans des contradictions dans le mental, qu’elles soit en transition de genre, professionnelle, ou amoureuse, nous tentons de permettre des mouvements car la psychothérapie n’est pas une science exacte, ni de la magie. En tant que thérapeute, nous sommes également dans une dialectique entre l’intime, ce que nous reconnaissons, qui nous est familier, nos valeurs communes, et l’étrangeté, l’inconnu, nos propres limites, ou le tacite (11) auquel nous devons faire face, prendre en compte, afin d’envisager des variabilités dans les mots, les images et les corps, des situations vécues des personnes. Des situations prises, situées (12) dans une histoire familiale, des valeurs d’un groupe social, d’une culture, d’un contexte économique qui nous sont partagées dans un cadre, toujours le même, celui du centre Georges Politzer, chaque semaine, inscrivant une temporalité, une fiabilité. Ainsi ce que nous enseigne Preciado, au même titre que l’APPS, c’est d’être plus sensible, de porter plus d’attention, d’être vigilant à ces valeurs qui font repères, pour la personne accueillie, même si elles sont incertaines ou mouvantes. Plus concrètement, il s’agit d’être attentif et vigilant au champ langagier et sémantique, au langage non verbale, à partir et à travers les corps.
Conclusion
Ainsi donc avec cette proposition d’un au-delà, de ce regard vers l’horizon, l’auteur nous encourage à réinvestir un espace imaginaire où la créativité, pouvant se situer du côté du créer-trouver winnicottien, permettrait d’ouvrir vers un espace créatif, riche, varié, multiple et « lumineux comme une boule à facettes », comme nous le partageait C., lors d’une rencontre autour de sa transidentité. Un au-delà, un plus que ça, pour être enfin soi, ce soi si précieux, cette intériorité propre à chacun, chacune. Cela nous inspire, nous ouvre encore plus vers ce « morceau d’horizon » que métaphorise Preciado, comme quand nous sommes face à la mer ou devant une toile de Mark Rothko (1903-1970) et que dans les couleurs, on voit que dans l’orange, il y a du rouge, et que dans ce rouge, il y a aussi du jaune, rendant ainsi la matière vivante, dans un infini de possibilités.
Christine Acheroufkébir, décembre 2023.
Ressources bibliographiques et numériques
(1) Preciado, P-B. Un appartement sur Uranus. Chroniques de la traversée. Grasset (2019)
(3)(4)(5)(6)(7)(8)(10). Preciado, P-B. Je suis un monstre qui vous parle. Rapport pour une académie de psychanalystes. Grasset (2020)
(9) Despentes, V. King Kong Théorie (2006). Éditions Grasset. (Coll. Livre de poche). (2019)
(11) Perret , C. Le tacite, l’humain : anthropologie politique de Fernand Deligny (2020)
(12) Haraway, G. Situated knowledges. (1988)
©Illustration : MARK ROTHKO
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